Le spectacle, du vendredi 11 octobre 2019, du virtuose André Manga a été un bel hommage à la musique camerounaise.
20h30. La salle de spectacle de l’Institut français du Cameroun à Douala vibre aux sonorités du jazz. Les places vides sont progressivement occupées par des retardataires. L’attitude est studieuse. Pas de première partie. Direct. André Manga, accueilli par les applaudissements à sa montée sur scène, saisit sa guitare piccolo. Dès l’entame, en compagnie d’un groupe de jeunes musiciens (qu’il forme depuis quatre ans du côté de ôté de Yaoundé), l’artiste fait un clin d’œil à Marc Antoine à travers son titre ‘‘Quartier Latin’’.
La reprise en instrumental de Marc Antoine avec qui André Manga a longuement collaboré est suivi de deux autres, ‘‘Do-fa-sol’’ et ‘’Reggae’’, propres compositions du virtuose camerounais. On est dans un style cool et détendu. André Manga met en avant de belles sonorités instrumentales. Dans un dialogue musical avec son jeune bassiste Brice Ndzana, le public se délecte. L’impro, est au rendez-vous. Les ovations aussi.
La place est par la suite laissée au chant. Caroline Etoa fait son show avant de gagner les chœurs. La jeune chanteuse, dans ses envolées lyriques, reprend sur du blues jazz le célèbre ‘‘Metil wa’’ de Nkodo Sitony. Bibiane Sade enchaine dans un style plutôt soul avec ‘‘Elimba Dikalo’’ de Eboa Lottin. Le couple Armand Biyak et Gaëlle Wondjè fera renaître ‘‘Oa nde’’ de Ekambi Brillant. Qui ne va pas hésiter à rejoindre les planches pour féliciter les artistes, sur des salves d’applaudissements.
Plusieurs autres airs locaux vont connaitre une cure de jouvence : ‘‘Attends moi’’ de Eko Roosevelt, ‘‘Ngoan ézoum’’ de Nkodo Sitony, et les titres ‘‘Bélè sombo’’, ‘‘Pèpè soup’’ ‘‘Sango Yesu’’ de Manu Dibango. Ce dernier titre est repris avec maestria et dévotion dans un swing par Ma Belle Fa. La jeune interprète éblouit par la maturité de son chant, sa volonté, son énergie débordante et sa tenue sur scène. Tonnerre d’acclamations. L’attention momentanément focalisée sur le chant n’est que de courte durée. André Manga, alternant entre sa basse et son piccolo se déchaîne avec ses musiciens dont l’immensité du talent et la dextérité surprennent. C’est du lourd. Les spectateurs sont presque sans mots. C’est sans doute le premier grand spectacle que nous vivons depuis l’ouverture de la saison culturelle de 2019 à l’fc. Autour de 22h30mn, alors qu’on s’achemine vers la fin, le public en réclame davantage. Malheureusement, chaque chose a une fin.
Dans ce rapprochement et fusion des styles et formes de jazz avec les rythmes locaux, l’artiste signe la dernière note sur une ambiance électrique, après une interprétation de ‘‘Billie Jean’’ de Mickaël Jackson, et ‘‘Soul Makossa’’ titre à succès de son grand maître et géniteur musical Manu Dibango. Standing ovation. André Manga a tenu à sa promesse. Il a réussi, comme annoncé lors de sa conférence d’avant concert, à démystifier le jazz, le rendre digeste et pour le public camerounais. L’artiste a également démontré, au cours de ce spectacle, sa volonté de construire un pont de transmission entre l’ancienne et la nouvelle génération de musiciens. Deux heures d’intense bonheur et par ailleurs une très grande joie et satisfaction pour le public local de jazz, longtemps lésé.
Félix ÉPÉE