Au sujet de la 14ème édition de la Biennale Dak’Art, il y aurait tant à dire. J’ai choisi de parler du droit de suite. Reportée en 2022 pour cause de pandémie covid19, la biennale Dak’art a, à plusieurs titres, réaffirmé sa place de « Doyenne » des biennales et de lieu de référence en matière d’art contemporain en Afrique. A l’occasion de son lancement officiel le 19 mai, davantage d’équité entre les différents acteurs de la chaine de valeur en matière d’arts visuels fût certainement le message porté par cette 1ere édition du prix Ousmane SOW pour le droit de suite.
En effet, cette consécration marque un temps fort de Dark’Art et surtout un engagement concret de plus de l’Etat du Sénégal en faveur du respect de la propriété intellectuelle dans le champ artistique. Il est utile de rappeler qu’a contrario des autres créatifs (musiciens et écrivains), les artistes visuels « (…) ne sont pas directement rétribués en aval lorsque leurs œuvres changent de main sur les marchés mondiaux et ils ne tirent pas un revenu significatif des droits de reproduction et de communication dont jouissent d’autres créateurs (…) » – Source OMPI Magazine.
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Les artistes visuels tirent l’essentiel de leurs revenus de la vente de leurs œuvres, en l’occurrence la première vente. Dans un contexte post-covid19 d’accélération des ventes des œuvres des artistes via le digital et dans un marché de l’art très mondialisé, le droit de suite en sa qualité de droit patrimonial inaliénable, assure selon un barème prédéterminé, une entrée additionnelle de fonds aux artistes visuels à chaque revente. Il contribue dès lors, à l’association des artistes, auteurs d’œuvres originales, au succès commercial desdites œuvres lors de reventes; de quoi assurer plus d’équité entre les différents acteurs de la chaine de valeur (commissaire-priseur, galeriste, collectionneur, etc.).
Le droit de suite assure aussi une fonction sociale en garantissant des revenus modestes déterminés suivant le barème légal à l’artiste ou à ses ayant-droit. Indirectement, le droit de suite contribue aussi à la traçabilité des œuvres d’art. Il est toutefois noté au regard du dispositif de protection internationale que le droit de suite n’est pas universel et que certaines conditions entravent de droit, sa mise en œuvre.
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Au demeurant, la jouissance du droit d’auteur est conditionnée par la reconnaissance de ce droit dans les pays où les œuvres ont été vendues ou la mise en place dans ces pays, de dispositions réciproques liées au droit de suite. Aussi, sera-t-il impossible pour les artistes visuels de recouvrir lesdits droits aux Etats-Unis et en Chine lesquels sont les plus grands marchés de l’art. En assurant la remise du prix Ousmane SOW tous les deux ans et ce dans le cadre de la biennale Dak’Art, le Sénégal porte à l’échelle continentale ce plaidoyer dans un cadre particulièrement fréquenté par les acteurs de l’industrie et dans un lieu où fleurit la créativité.
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Le Sénégal fait donc de Dak’art un lieu où s’écrira l’histoire du droit de suite pour les artistes visuels, un symbole fort. De plus, il conforte les sociétés de gestion collective à l’instar de la SODAV au Sénégal, ADAGP, etc. Dans leurs missions car les artistes peuvent donner à ces sociétés de gestion collective, mandat de recouvrir les redevances liées aux reventes successives de leurs œuvres. Il n’est plus qu’à espérer que les efforts consentis en particulier par le Sénégal et le Congo contribueront à une prise de conscience des acteurs en particulier les artistes vis à vis de leurs droits patrimoniaux au rang desquels figure le droit de suite.
Raïssa NJOYA
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