Malgré une note du ministre de tutelle demandant la libération des malades pris en otage dans les hôpitaux faute de paiement des frais d’hospitalisation, l’hôpital de référence de la ville de Douala en garde encore.
A l’un des étages du pavillon hospitalisation ce mercredi 27 mars 2019. Dans une salle du pavillon pédiatrie de l’hôpital gynéco obstétrique et pédiatrique de Yassa à Douala, l’ambiance est terne. Quatre lits occupent les coins de la salle, les moustiquaires démontées laissent clairement voir le dispositif prévu pour elle. Le pagne noué aux hanches, le visage cache mal le malaise et l’inconfort que vit Obama Tsoungui Scolastique. Entre les mains, elle tient son bébé d’un mois et demi. Depuis le 15 février 2019, elle a accouché par césarienne, et devait être en famille à ce jour si….
Son mari qui l’assiste depuis lors explique : «Ma femme a commencé ses visites prénatales à Edéa où nous habitons. A quelques jours de l’accouchement, on nous a recommandé l’hôpital gynéco de Yassa car la grossesse était à risque. Rendue le 15 février dans cet hôpital, elle a accouché d’un garçon par césarienne. Après son accouchement la facture dressée était plus de 500 000 Fcfa au-dessus de nos moyens. Ne disposant de cette somme, nous avons demandé un moratoire après avoir versé une avance, mais cette faveur nous a été refusée. » Le couple est ainsi retenu depuis lors pour un reliquat de 432 683frs. La facture avancée était de 110 000 Fcfa et est datée du 22 février 2019.
Dans cette situation, le couple n’est pas seul. Dans leur salle cet après-midi, Mme Tegeti Bibang Agnès Patience, est venue passer du temps avec eux et partager leur misère. Elle est retenue dans une salle à coté baptisée « hébergement » avec deux autres patientes. Sa facture s’élève à plus d’un million de Frs. Après avoir avancé 325.000 frs, elle se trouve dans l’incapacité d’éponger le reste. Elle se trouve là depuis le 22 février 2019. Elle avait donné naissance à son bébé dans un autre hôpital de la ville, mais le nouveau-né avait besoin d’oxygène pour survivre, et elle a été transférée ici pour les soins appropriés. Elle se trouve donc prisonnière, et ne pourra sortir qu’après épurement de sa facture.
La décision ministérielle piétinée

Ces cas ne devraient pourtant plus exister après la visite surprise le 25 février 2019 du ministre de la Santé Publique. A cette occasion, Manaouda Malachie avait instruit de libérer tous les patients qui se trouvaient retenus dans les formations sanitaires pour défaut de paiement des factures. Pour formaliser sa décision, il a signé une note circulaire le 14 mars 2019, demandant aux responsables des formations sanitaires publiques de libérer ce qu’il appelle otages. « J’ai l’honneur de proscrire, pour compter de la date de signature de la présente lettre, la séquestration des patients indigents dans les formations sanitaires publiques. Je vous demande par conséquent de bien vouloir, toute affaire cessante, libérer tous les patients qui se trouveraient ainsi retenus dans vos formations sanitaires respectives, en raison de leur insolvabilité, et me rendre compte instamment de vos diligences et des coûts y relatifs », écrit-il. Il demande en outre aux chefs d’établissements sanitaire de lui proposer des solutions plus adaptées et moins dégradantes pour la prise en charge des patients indigents dans les formations sanitaires publiques, en attendant la mise en place effective de la couverture santé universelle.
14 jours après la signature de cette note, l’hôpital gynéco obstétrique et pédiatrique de Yassa s’entête encore à ne pas respecter les ordres. Rendu sur les lieux le 27 mars 2019, la tentative de rencontrer le directeur a été vaine. Il aurait voyagé d’après un membre du secrétariat, qui confie « sans en avoir la compétence » qu’il n’y a plus de cas de patients retenus dans l’hôpital depuis le passage du ministre le 25 février, date de passage du patron du ministère de tutelle.
Est-il sincère ou pas ? Toujours est-il qu’à l’étage d’un pavillon non loin du bâtiment administratif, près de cinq patients comptent sur les actions de l’Ong Un Monde Avenir dont des membres sont passés par là, pour voir la décision de la note du Minsanté être appliquée…en leur faveur.
Au moment où nous allions sous presse hier 29 mars, nous avons reçu un message de monsieur Tsoungui, nous informant qu’ils ont été libérés, avec tous ses compagnons de misère. Il précise que l’hôpital les a obligés à signer des moratoires.
Roland TSAPI