Les assises organisées à Yaoundé du 6 au 8 juin 2023 par le Conseil Interprofessionnel du cacao et du café (Cicc) et présidées par Gabriel Mbaïrobe, ministre de l’Agriculture et du Développement Rural (Minader), étaient placées sous le thème : « Approche pratique d’adaptation de la culture du cacaoyer et du caféier aux changements climatiques ». Les participants venus de plusieurs pays importateurs et exportateurs de cacao et de café, notamment la France, la Cote d’ivoire et l’Italie ont discuté des questions liées au défi de la production durable du cacao et du café, les pistes d’adaptation au dérèglement climatique et la durabilité des filières concernées au Cameroun.
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Les brumes sèches, la baisse des quantités de pluies et les inondations ont entre autres été citées comme cause de la baisse de production de cacao et café. Selon la société de développement du cacao (Sodecao), le Cameroun perd 40 à 50% de jeunes planteurs de cacaoyers par an, en raison des changements climatiques. D’après le Cicc, la méthode camerounaise présente l’avantage de pouvoir être implantée par tous, particulièrement par les petits producteurs, qui représentent la plus grande proportion des producteurs de cacao et de café.
Anicet MAPOUT
Aristide Tchemtchoua : « J’encourage la femme camerounaise à l’entreprenariat »
Après avoir travaillé dans le domaine de l’habillement, Aristide Tchemtchoua a décidé de se lancer dans l’entreprenariat. Cette épouse et mère de trois enfants est la Présidente d’une Coopérative de cacao dénommée « Scoops.CA», située dans la région du Centre au Cameroun. Dans cette interview accordée à La Voix du Koat, elle nous parle de sa motivation.
LVDK : Parlez-nous de l’histoire qui est au commencement de votre coopérative de cacao…
A l’ origine, je n’étais pas destinée à devenir Directrice d’une Coopérative de Producteurs de Fèves de cacao. Je travaille alors dans le secteur de l’habillement, mais, mes parents possèdent une plantation de cacaoyers ; et c’est pourquoi, il y a une quinzaine d’années, je décide de les aider. Mais cela ne sera pas pour longtemps car j’abandonne à mi-chemin. Le constat est rapidement sans appel : entre vol, malhonnêteté et difficultés du travail, cette culture n’est absolument pas rentable, car les prix payés par les acheteurs locaux sont évalués par rapport aux efforts fournis. J’abandonne alors ce projet et retourne à mon premier métier, l’habillement. En 2016, passionnée d’émission de cuisine, je vois un reportage sur Pierre Marcolini recevant un sac de cacao du Cameroun. Comme mes parents continuent la cacao-culture qui est leur seule source de revenue, je me dis pourvoir améliorer leurs conditions, d’autant plus que leur santé et leur force déclinent. C’est ainsi que je cherche sur internet, les quinze meilleurs chocolatiers de France. Parmi eux, il y a la chocolaterie « A la Reine Astride », qui ressemble phonétiquement à mon prénom. Je leur écrit pour proposer mes fèves. A mon grand étonnement, Christophe Bertrand, chocolatier français, me répond deux heures plus tard mais me dit qu’il ne payera les 200Kg de fèves que lorsqu’il les aura reçus. Ainsi, j’emprunte à deux amis l’argent nécessaire pour le transport par avion.
A la réception des fèves, il me donne son avis « la fermentation n’est pas totalement maitrisée et il y a des cailloux mélangés aux fèves. Mais le potentiel est là ». M’avait-il dit. Il me propose de l’aide pour améliorer la qualité de mon cacao et m’annonce sa venue au Cameroun avec trois autres chocolatiers français dans quatre mois. Ce qui est dit est fait. Quatre mois plus tard, tout le village est là pour les accueillir. Visite des plantations, discussions pour leur entretien, l’amélioration du rendement et le travail post récolte. Il souhaite que cela profite à tous et nous demande de nous regrouper en coopérative.
LVDK: C’est ainsi que la Scoops.CA voit le jour ?
La Scoops CA est créée en 2017, soutenue par la Confédération des chocolatiers et confiseurs de France. En 2018, nous étions 50 adhérents et produisions 12tonnes de fèves. Aujourd’hui, nous sommes plus de 150 adhérents, donc 35% de femmes, pour une production d’environ 130tonnes (6 conteneurs). La récolte a lieu à partir de septembre et peut parfois s’étendre jusqu’en janvier. Les membres de la coopérative apportent leurs fèves fraichement éclaboussées à l’unité centrale où aura lieu la fermentation, le séchage, le tri et la mise en sac. Ces derniers sont envoyés à Douala pour être transportés en bateau dans les conteneurs ; direction la France, chez les chocolatiers et confiseurs français qui sont nos partenaires.
LVDK : Avez-vous un message pour la femme camerounaise ?
J’encourage la femme camerounaise à l’entreprenariat, à autonomie financière. Pour entreprendre, elle n’a pas besoin de beaucoup d’argent. Il faudrait seulement regarder autour de soi et se trouver quelque chose à faire. Je suis convaincue qu’elle peut faire quelque chose parce qu’il y a toujours un début à tout.
Anicet MAPOUT