Message aux candidats de l’opposition,
Par Jean Baptise SIPA
Risques possibles et gain certain.

Le scrutin présidentiel 2018 expose l’opposition à deux risques possibles : le risque du « tout ou rien » qui peut aller jusqu’à la mort politique de certains si elle affronte le concurrent du pouvoir en rangs dispersés, et celui de subir cette loi du « qui perd gagne » qui s’applique à chaque scrutin présidentiel, donnant impunément gagnant le vaincu, et perdant le vainqueur. De ceci à conclure qu’une coalition est sans objet serait grave erreur de jugement.
Il faut en effet être dans une présomption incertaine de ses forces, pour penser qu’en cas de victoire solitaire, on peut changer un système de pouvoir fondamentalement structuré pour défendre l’ordre établi des intérêts particuliers, y compris par l’insubordination, contre toute gouvernance participative favorable à l’intérêt général des Camerounais. On voit bien que si le Cameroun est entré progressivement dans l’ingourvernabilité, c’est parce que M Biya lui-même est devenu un simple bouclier dans les mains du système dont il a consacré son règne à parachever la construction.
Le contexte sociopolitique du pays, le désordre économique et sociale, le dysfonctionnement de l’Etat, sont tels qu’un candidat de l’opposition qui gagnerait le scrutin du 7 0ctobre en solitaire, pour un mandat de 7 ans, sans pouvoir s’entourer de sensibilités au-delà de sa chapelle idéologique, n’aura que le choix entre une dictature à la Jerry Rawlings, ou le statu quo ante (soit le chaos programmé).
Le courage de se mettre dans une coalition pour la transition, même s’il s’avérait impossible de désigner un seul candidat face à Paul Biya, permettrait cette fois de limiter les effets du « qui perd gagne » au seul scrutin présidentiel, en s’étant accordé, non seulement sur un programme de transition que suivrait n’importe quel candidat de la coalition parvenu à la victoire, mais également sur une stratégie de victoire pour les scrutins de base à venir. Car, l’opposition camerounaise ne doit plus commettre l’erreur de penser qu’il faut se tuer pour « chasser Biya du Palais d’Etoudi », alors qu’avec le peuple, elle peut parvenir plus sûrement à l’alternance, en prenant la majorité des Communes, et au moins la moitié de l’Assemblée nationale.
Rendre utile le vote des Camerounais

La difficulté, dans l’hypothèse d’un candidat consensuel serait double : le choix du moment opportun pour l’annoncer aux électeurs, et comment s’assurer que ceux de chaque coalisé vont suivre la consigne de vote conséquente. Ils peuvent au contraire vouloir défendre chacun ses chances, sous réserve que celui d’entre eux qui arrive en tête (vainqueur) s’en tienne au pilotage de la transition telle que définie de commun accord. Problème : comment jurer que la dispersion des votes ne sera pas propice à la facile victoire du Président-candidat ?
Une chose au moins paraît certaine : pour ceux qui y auront consenti, se mettre ensemble parce que c’est nécessaire pour obtenir l’alternance (ce que le traditionnel « chacun pour soi » n’a pas encore réussi à ce jour), serait un élément déclencheur d’une grande sympathie dans cette frange majoritaire de l’électorat qui ne souhaite plus voir l’opposition construire son propre échec. La cerise sur le gâteau d’une coalition serait qu’elle donne aux candidats de l’opposition, l’opportunité de mutualiser leurs moyens, pour honorer ce qui est désormais une exigence citoyenne impérative : rendre utile le vote des Camerounais. Et à cette fin, il s’avère nécessaire de dissuader la fraude, par le placement des représentants de la coalition dans tous les bureaux de vote du pays, si possible, (le représentant de chaque parti d’opposition contrôlant pour toute l’opposition, les opérations de vote et le transport des PV du bureau de vote au bureau de ELECAM).
Pour la gouverne de nos candidats, voici ce que dit notre perfectible Code électoral (art 54, 1-5-d) :
« Les représentants sont des personnes commises par les partis politiques, les regroupements politiques ou les candidats indépendants, pour surveiller les opérations de vote. Ils sont accrédités par les partis politiques en compétition. Ils signent les Procès-verbaux et y mentionnent éventuellement leurs observations. Ils veilleront à obtenir les accréditations et documents d’identification nécessaires.»
Quoi qu’il en soit, il est impératif que l’opposition essentielle dont une sélection qualificative se dessine, convienne avec nous de ceci : une menace de chaos pèse sur le Cameroun si la rupture avec l’ordre néocolonial, et l’ancrage d’une gouvernance consensuelle comme mode de gestion de l’Etat ne sont pas en tête des préoccupations de ses leaders. Car, même si par extraordinaire le 7 octobre s’avérait fatal à Paul Biya, le système qu’il a consolidé durant quatre décennies lui survivra, bien ancré dans l’administration publique privatisée par le parti au pouvoir, et foncièrement alimentariste et corrompue.
Pour parvenir à l’effondrement du régime colonial ainsi ancré depuis plus de 70 ans, l’alternance au sommet de l’Etat ne peut suffire. Il faut une érosion à la base, avec le peuple dans les Communes et au parlement.
Fin !
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