Pour la présidentielle du 07 octobre prochain, le parti au pouvoir bénéficie des moyens de l’Etat pour sa campagne, face à une opposition sans moyens et obligée de tout payer.
L’élection présidentielle du 7 octobre prochain, comme toutes les autres depuis 1992 va mettre en compétition le parti au pouvoir et des partis de l’opposition. Une opposition qui cherche ses moyens, alors qu’en face le parti au pouvoir contrôle les moyens de l’Etat dont il dispose à sa guise. En réalité, le parti au pouvoir est complètement confondu à l’Etat, de sorte qu’il est difficile aux Camerounais de faire la différence entre le parti et l’administration, et cette confusion est entretenue depuis le sommet, du fait que le président de ce parti est également le Chef de l’Etat.
Si aucune loi camerounaise n’interdit ce cumul, on remarque que dans les pays où la démocratie est véritablement prononcée, il est impossible que le président de la République reste à la tête du parti. C’est le cas au Sénégal ou en Côte d’Ivoire par exemple, car par principe le Chef de l’Etat est en réalité le président de tout le monde et devrait être au-dessus de la mêlée. De manière logique, cet état des choses entraine la confusion permanente des affaires de l’Etat. L’une des preuves les plus évidentes, est la nomination le 9 décembre 2011 du Secrétaire général du Rdpc, Jean Nkuete, dans le même Décret n°2011/410 du 09 décembre 2011, portant formation du gouvernement. Dans son discours à ses camarades du parti le 21 juillet 2006 lors du 3eme congrès extraordinaire du Rdpc, Paul Biya avait pourtant lui-même reconnu et condamné cette confusion en ces termes : «La distinction entre l’administration et le parti n’est pas évidente pour tous. Dois-je rappeler que nous ne sommes plus à l’ère du parti unique ?»
Biens publics confondus aux biens du parti
Sur le terrain en tout cas, ministres et fonctionnaires ne se gênent pas pour utiliser les biens de l’Etat pour le parti, même jusqu’au papier entête. Le 23 juillet 2018 par exemple, le ministre de la Fonction publique et de la réforme administrative Joseph Le, utilisait le papier entête de son ministère pour un communiqué de presse dans lequel il conviait toutes les forces vives de la région de l’Est sans exclusive ni distinction de parti politique, à un grand meeting de mobilisation pour marquer leur soutien sans réserve à la candidature du président Paul Biya, le 28 juillet 2018 à la permanence du Rdpc à Bertoua. D’ailleurs, un minibus Coaster de l’Etat, immatriculé CA 9973 transportait aussi les militants du Rdpc pour la circonstance, qui devaient également collecter des fonds en perspective de la campagne électorale.
Dans la même veine, l’ambassadeur du Cameroun au Maroc, Mohamadou Youssifou utilisait le 31 juillet 2018 le papier entête de l’Ambassade pour adresser une correspondance aux membres du bureau du Rdpc et de l’Ofrdpc du Maroc, les invitant à une réunion de concertation à l’ambassade le 3 août 2018 pour participer au plan d’urgence en faveur des populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Il va de soi que s’il n’existe plus de distinction entre le papier entête de l’Etat et celui du Rdpc, ce n’est pas quand il s’agit de l’argent, du personnel, du matériel roulant ou des locaux qu’elle va exister. A chaque meeting du Rdpc, dans quelle que ville que ce soit, ce sont les véhicules administratifs, achetés et entretenus par l’argent du contribuable, que fonctionnaires et ministres utilisent pour leurs déplacements, pendant que les candidats de l’opposition doivent payer de leur poches pour leurs déplacements.
Mains basse sur les maisons du parti
Pendant que les partis de l’opposition se battent pour louer des salles de réunion partout où ils veulent se réunir, le Rdpc est paisiblement installé dans les différentes maisons du parti construites à l’époque du parti unique dans toutes les régions du pays, baptisées « maison du parti » en raison de ce qu’un seul parti existait alors. Mais comme le président Biya le rappelé lui-même dans le discours cité, nous ne sommes plus à l’époque du parti unique. Tous les partis politiques légalisés devraient avoir libre accès à ces locaux quand ils le désirent, et il en est de même du Palais de Congrès à Yaoundé, transformée simplement en siège du Rdpc pourtant construit sur le budget de l’Etat.
La situation perdure depuis longtemps, et aucun organe de régulation n’existe qui rappelle le parti au pouvoir à l’ordre, personne n’ouvre jamais une enquête sur l’utilisation des biens publics à des fins électoralistes. Les candidats de l’opposition à la magistrature suprême ne sont pas non plus ignorants de cette confusion permanente. En somme, les spécialistes de la réalpolitique savent qu’au Cameroun, les candidats de l’opposition ne sont pas souvent face à un candidat au pouvoir, ils sont face à une machine, un appareil entier suréquipé, bénéficiant de tous les avantages étatiques qu’il peut utiliser pour broyer l’adversaire sans merci. De quoi réfléchir par deux fois avant de l’affronter seul, à moins que l’intention ne soit juste de l’accompagner.
Roland TSAPI