L’organisation de la prochaine Coupe d’Afrique des nations de football semble aujourd’hui un caillou dans les chaussures des différents candidats à l’élection présidentielle. Tout candidat peut se retrouver à gérer son organisation, qui n’est plus dans ce contexte l’affaire du seul président sortant.
L’un des principaux enjeux de l’élection présidentielle 2018 au Cameroun, est l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations de football 2019. Le président sortant mise particulièrement sur cet événement pour faire sa campagne, et surtout pour donner de la couleur à son potentiel prochain mandat. Il avait déjà promis aux lions indomptables vainqueurs de la dernière coupe, qu’en 2019 « nous serons là » pour fêter une autre victoire. Mais malgré les assurances données, le doute persiste quant à l’avancement des travaux de construction des infrastructures sur le terrain. Il y a quelques jours le 21 juillet, le premier ministre Philémon Yang est arrivé à Douala pour se faire une idée de l’Etat d’avancement des infrastructures. Après avoir visité les stades, il a fait pareil pour les hôpitaux, y compris l’hôpital général de Douala. Pour arriver à l’hôpital général, il a dû faire face aux routes en piteux état, que ce soit en venant de la Cité Maképè que par la Cité des Palmiers. Cette infrastructure hospitalière, dite de référence en la matière, est prisonnière de ses routes depuis des années, et les fréquents rafistolages qui y sont souvent effectués ne résistent pas généralement à la première goutte de pluie.
Ailleurs, les nouvelles ne sont pas bonnes non plus. Les médias ont fait état en début de ce mois, du mouvement de grève des 500 employés de l’entreprise Prime Potomac chargée de construire 4 stades d’entrainement à Garoua. Une marche de protestation les a conduit dans les services du gouverneur Jean Abaté Edi, qui leur a offert 250 000 Fcfa pour les calmer tout en promettant de tout faire pour qu’ils entrent en possession de leur dû. A Bafoussam, les routes seulement laissent le visiteur inquiet, et la visite le 10 juillet dernier du Premier ministre dans cette ville lui a permis de toucher la triste réalité du doigt. De manière régulière, les gouverneurs des différentes régions du pays, en leur qualité de présidents des comités locaux d’organisation de la Can 2019, font des descentes dans les chantiers, assorties généralement de mise en garde, d’appels au professionnalisme et au sérieux des entrepreneurs pour la livraison à date des sites. Sans que les choses ne bougent pour autant.
L’inquiétude de la Caf
La compétition se jouera en juin 2019, et dans le règlement de la Confédération africaine de football, les infrastructures doivent être prêtes 6 mois avant le début de la compétition, ce qui nous amène à décembre 2018. Mais au rythme où les travaux vont, la température est loin d’être rassurante. Le président de la Caf Ahmad Ahmad, dans son discours prononcé le 21 juillet dernier au Maroc, lors de la conférence bilan de la participation de l’Afrique à la Coupe du monde Russie 2018, est encore revenu sur les capacités des pays africains à organiser les compétitions internationales.
Faisant allusion aux infrastructures, il dit : « Il ne faut plus candidater pour organiser une compétition en misant sur d’hypothétiques moyens absents au moment de l’envoi de la candidature. Il ne faut plus concourir sans évaluer les besoins et les limites de son propre pays. Il ne faut plus miser sur le virtuel ou les promesses. […] Nous devons rompre avec l’approximatif et les promesses politiques qui souvent ne présentent aucune garantie. Nous devons arrêter de surestimer nos ambitions. Nous devons rompre avec nos vieilles habitudes qui nous font rêver avec de faux calculs, de fausses garanties.»Dès l’entame de son discours, il a d’abord apprécié le niveau d’organisation hautement supérieur de la dernière coupe du monde de football par la Russie, et a salué l’accueil en ces termes : « Vous l’avez constaté comme moi, la Russie n’a pas lésiné sur les moyens colossaux, sur des conditions optimales, sur des hommes et des femmes totalement acquis à la cause et qui ont rendu leur pays une terre d’accueil incroyable. Cet accueil général dès l’aéroport, dans les lieux d’hébergement, dans les stades, aux abords des stades, à l’intérieur des stades, dans l’encadrement, dans les lieux de vie, dans les rues de toutes les villes, cet accueil fut exceptionnel. »
L’inquiétude permanente
Même si le Cameroun n’est pas nommément cité ici, il est évident que tous les pays africains, y compris le Cameroun, doivent s’approprier ces remarques. Surtout que ce discours se fait au moment où une 3eme mission d’évaluation de la Caf est annoncée au Cameroun au mois d’août, pour faire le point sur l’avancement des travaux. En cette veille de l’élection présidentielle au Cameroun, l’organisation de la Can 2019 n’est plus la seule affaire du président Biya. Tous les candidats sont obligés de prendre désormais le problème à bras le corps et l’intégrer dans leurs discours de campagne. Etant entendu que le fauteuil présidentiel est mis en jeu, même si l’équipe de campagne du Rdpc peut se vanter d’avoir obtenu l’organisation de la compétition par le Cameroun, l’opérationnalité peut revenir à n’importe quel autre candidat en cas de victoire. Alors il reviendra à celui-là d’assumer le succès ou l’échec de l’évènement. Ainsi, même si le président Biya mise sur les acquis, les autres candidats doivent pouvoir rassurer sur ce qu’ils prévoient de faire pour que les infrastructures soient prêtes à temps, pour éloigner tout risque pour les Camerounais de perdre leur coupe d’Afrique, qu’ils attendent depuis 46 ans aujourd’hui, après la dernière organisée en 1972.
Roland TSAPI