Après Dikolo-Bali, un autre foyer de tension a vu le jour au village Nkolmbong lieu-dit Bengock, dans l’arrondissement de Yabassi, département du Nkam dans la région du Littoral au Cameroun. Les populations sont dépossédées de force de toutes leurs terres, avec le soutien des autorités. Elles menacent d’entrer en guerre.
La tension est montée d’un cran le samedi 27 mai 2023 entre la communauté villageoise de Nkolmbong et les partisans du sieur Bernard Bissohong, dénominateur commun de l’accaparement des terres dans le village Nkolmbong. Il est situé au lieu-dit Bengock dans le Nkam, région du Littoral. Alors que l’engin Bulldozer effectuait les travaux de lotissement sur le site querellé en présence des éléments de la police et de la gendarmerie et les « gros bras », les familles détentrices des titres fonciers ont vivement manifesté pour obtenir l’arrêt provisoire des travaux. Elles voulaient d’abord prendre connaissance de la note du gouverneur qui autorise Bernard Bissohong à exécuter les travaux de lotissement à cet endroit.
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Au finish, le contenu du message – porté du gouverneur de la région du Littoral sera présenté et lu en public. Dans ce message qui porte la mention très urgent dont l’ampliation a été faite au colligions et au sous – préfet de Douala 3e, il est écrit « faisant suite à la requête au fin d’intervention que m’adresse sieur Bissohong Bernard, représentant la famille Logbila en date du 22 mai 2023…ayant des titres fonciers 097/ Wouri et 098 / Wouri, d’une superficie de 10 hectares sis au quartier Bassa lieu-dit Socapalm…bien vouloir prêter main forte à ladite famille pour l’exécution des travaux de lotissement.» Un message- porté visiblement adressé aux forces de maintien de l’ordre afin de veiller à l’exécution des travaux.
Pour les victimes, « la note qui a été lue tout à l’heure ne nous concerne pas. Ils ont envoyé la note pour Socapalm. Nous sommes ici à Nkolmbong, précisément à » papass « . Mon champs de maïs a été complètement dévasté C’est une confusion de site et nous ne pouvons pas laisser nos biens partis en fumée. Les vies sont en danger », fulmine Agnès Aimée Ngo Nlend. Ce litige foncier écrit ses premières lignes entre 2010 – 2013. Représentant de la grande famille Ntamack, titulaire du titre foncier 1163/ Nkam, Disso Oscar Franklin raconte : « Notre famille a obtenu un titre foncier qui lui permet d’être là tel que la loi a prévu. En 2010 – 2013, il y’a une certaine famille sortant de Logbessou- Logbila qui vient de nulle part. Tout a commencé par un certain Bissohong Bernard disant qu’il faisait la chasse, or c’était la chasse de terrain. Avec Bissohong, on a eu des assises pour lui faire comprendre que Nkolmbong n’est pas dans le Wouri, mais dans le Nkam. Or il présente des titres fonciers établis dans le Wouri. Il y’a eu des commissions qui sont descendues sur le terrain (le chef du village Nkolmbong, le préfet) pour solutionner ce problème. Il y a eu une accalmie » suite à la décision d’annulation faite par le ministre des Domaines et du Cadastre et des Affaires foncières.
Hier, 26 mai 2023, le village est en alerte, poursuit Disso Oscar Franklin : « Nous sommes informés qu’il y a une forte présence policière et des gendarmes. Curieusement à mon arrivée, j’ai rencontré leurs hiérarchies. J’ai demandé qu’on me présente l’ordre de mission donné par le gouverneur. Ce qui n’a pas été fait. J’ai demandé le titre foncier, rien n’a été présenté. Ils avaient déjà détruit les champs, les cultures. Ils devraient commencer les travaux sur ma parcelle, je leur ai dit que c’est mon corps qui sortira. C’était en présence d’un huissier de justice que nous avons fait appel. Ce matin (27 mai 2023), ils ont engagé les travaux de lotissement et des menaces à l’endroit des victimes. La population s’est opposée. On a fait appel au Commandant de brigade de Bonepoupa, qui nous a fait comprendre que ces gens sont la loi. Ils ont les gros bras. Ici, de nombreuses familles détiennent des titres fonciers. Moi je possède au moins 16 à 17 hectares. Le chef du village a été humilié et méprisé. Il semble avoir un problème de délimitation territoriale. Je voudrais plaider à l’égard de l’autorité compétente, à Monsieur le président de la République de veiller sur ce problème foncier qui risquera amener la guerre dans notre cher et beau pays », relate Disso Oscar Franklin, représentant de la grande famille Ntamack, titulaire du titre foncier 1163/ Nkam.
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Selon Pierre Penda Nlend, titulaire des titres fonciers 507 et 508/ Nkam représentant la famille Nlend Pierre, il s’agit d’une famille envahisseuse qui existe depuis belle lurette. « Ils sont d’abord venus avec leurs titres fonciers et il y’a eu une ferme opposition des populations. Aujourd’hui, je ne sais pas par quelle alchimie ces titres fonciers ont été réhabilités. Il s’agit des titres fonciers superposés sur les nôtres qui datent de depuis 2007/2008. Or leurs titres fonciers datent seulement de 2015. Nos titres fonciers ont les plans approuvés, pourtant ils sont en train de détruire nos champs. Les autorités compétentes doivent clarifier cette affaire», indique-t-il.
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Au regard de la gravité de la situation, l’équipe de reporter s’est rapprochée du chef de 3ème degré du village Nkolmbong. Sa Majesté Nolla Amos confie : « Nous sommes ici au village Nkolmbong, arrondissement de Yabassi, département du Nkam. Le litige se trouve dans l’une de mes localités appelée Bengock, c’est la frontière entre le Wouri et le Nkam. Le terrain en question appartient à plusieurs familles qui sont les auteurs de mises en valeur depuis près de 100 ans. Certaines familles ont obtenu le titre foncier dans le Nkam depuis de dizaines d’années. Le problème aujourd’hui, c’est que je ne connais pas le nommé Bissohong Bernard. Il n’est pas de mon village, ni non plus du village voisin qu’on appelle Ngoma. Il vient de Logbessou et dit avoir obtenu des titres fonciers à Socapalm. Or Socapalm n’est pas ici à Nkolmbong. Socapalm est situé à pk 17 lieu-dit Bonkoun. C’est là- bas qu’ils ont obtenu les titres fonciers. Je suis surpris de savoir que les coordonnées les envoient ici. Nous sommes surpris qu’ils aient des titres fonciers et ces titres fonciers sont posés sur les autres titres fonciers et autres lotissements. Ils sont en train de détruire les autres lotissements pour placer les leurs. Le rôle du chef du village est de calmer la population. Nous sommes dans un pays de droit, ils nous ont montré un message – porté signé du gouverneur de la région du littoral…sûrement que le gouverneur ne connaît pas la situation réelle sur le terrain. Ils ne connaissent même pas l’endroit où ils sont venus travailler. Le gouverneur va nous recevoir lundi (29 Mai 2023). Toute la population ira là.»
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Selon le chef du village Nkolmbong, il y’a eu en 2014, le tracé de la limite administrative entre le Wouri et le Nkam. Une opération menée par l’ancien Gouverneur Joseph Beti Assomo. Visiblement c’est cette délimitation territoriale qui ferait problème aujourd’hui. Malgré toutes nos tentatives, les représentants de sieur Bissohong Bernard n’ont pas trouvé nécessaire de nous livrer leurs versions des faits. Ils ont été d’ailleurs très hostiles envers la presse. Quand nous quittons le site querellé aux environs de 16h30 ce samedi 27 mai 2023, les travaux de lotissement se poursuivaient sous le regard médusé et impuissant des victimes. C’était en présence des forces de maintien de l’ordre. L’affaire se poursuit ce lundi dans les services du gouverneur de la région du Littoral.
Didier KIERETU et Jules EPOH, de retour de Nkolmbong dans le Nkam