Le 19 juillet 2017, le ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakary a été obligé une fois de plus de faire une sortie pour défendre l’image du Cameroun, salie selon lui par des comploteurs tapis dans l’ombre qui cherchent à ternir l’image du pays par tous les moyens.

Sa sortie faisait suite à la publication le 14 juillet 2017 par l’organisme non gouvernementale Amnesty International d’un rapport qui dénonçait les violations des droits humains par les forces de défense camerounaises dans la lutte contre Boko Haram. En effet, dans un rapport intitulé « Chambres de torture secrètes au Cameroun : violations des droits humains et crimes de guerre dans la lutte contre Boko Haram», Amnesty international affirme détenir des informations sur 101 cas de détention au secret et de torture qui auraient eu lieu entre 2013 et 2017 sur plus de 20 sites différents, et ce sur la base de dizaines de témoignages corroborés par des images satellitaires, des photos et des vidéos. L’Ong explique dans son rapport qu’elle ne s’est pas contentée de faire des constats et recueillir des témoignages. Elle indique qu’en avril 2017, elle a écrit aux autorités camerounaises afin de leur faire part du contenu du rapport, mais elle n’a pas obtenu de réponse, et toutes les demandes d’entretien qu’elle a formulées par la suite ont été rejetées.
Plus loin elle dit : «Ces terribles violations s’apparentent à des crimes de guerre. Au vu des multiples éléments que nous avons découverts, les autorités doivent diligenter une enquête indépendante sur la pratique de la détention au secret et de la torture, notamment en vue d’établir les responsabilités éventuelles, aussi bien au niveau individuel que dans la chaîne de commandement. » En plus, Alioune Tine, directeur du programme Afrique de l’Ouest et Afrique centrale à Amnesty International a déclaré qu’ils ont toujours condamné sans équivoque les atrocités et les crimes de guerre commis par Boko Haram au Cameroun. Mais que néanmoins, rien ne saurait justifier le recours impitoyable et généralisé à la torture par les forces de sécurité contre des Camerounais ordinaires, qui sont souvent arrêtés sans preuve et se voient infliger des souffrances inimaginables. A l’évidence donc, l’Ong se serait entourée de toutes les précautions pour ne pas être qualifiée de partisane, en sollicitant des audiences auprès du gouvernement et en suggérant que des enquêtes soient diligentées non seulement pour authentifier les faits mais pour établir les responsabilités. Par ailleurs Amnesty International a dans le même temps saisi les ambassades des États-Unis et de France au Cameroun pour demander ce dont leur personnel était au courant et ce qu’il avait signalé. L’ambassade des États-Unis a répondu le 11 juillet, et la réponse de l’ambassade de France nous est parvenue le 19 juillet.
Clarifier des incompréhensions
Mais pourquoi le gouvernement camerounais n’a pas réagi comme les représentations diplomatiques sollicitées ? Est-ce plus facile de réagir après la publication du rapport que de le faire avant ? Ailleurs, quand les gouvernements sont saisis par les Ong qui dénoncent des actes de violation des droits, ils ouvrent des enquêtes pour faire la lumière sur les faits dénoncés. Cela a été le cas en République Centrafricaine, quand le gouvernement français a été saisi et interpellé pour viols des enfants centrafricains par des soldats français. C’est soldats ont été interpellés à la suite d’une enquête. Quand le Mincom Tchiroma déclare après coup que « il n’y a aucun doute Amnesty International veut déstabiliser voir décrédibiliser le Cameroun sur la scène internationale », on est tenté de se demander si c’est vraiment cette Ong qui est le problème. Le problème ne serait pas les membres du gouvernement qui ont refusé de faire suite aux demandes d’audiences, au cours desquelles ils auraient eu l’occasion de donner leur version des faits, ou clarifier des incompréhensions ? Le problème ne serait pas ce gouvernement qui refuse de prendre les dénonciations au sérieux et ouvrir une enquête. On dirait que tout le monde est sain dans le gouvernement et les organisations internationales seraient les fauteurs de trouble, inventant des faits pour noircir l’image du pays. Mais disons-le, cette façon de voir et de concevoir confortent les agents de l’Etats à tous les niveaux qui passent leurs temps à poser des actes qui ternissent l’image du pays et freinent les actions du gouvernement. Le méchant n’est pas celui qui dénonce, mais celui qui pose des actes à dénoncer.
Nous connaissons tous les conditions de vie inhumaines dans les prisons camerounaises, où s’entassent 3000 à 4000 pénitenciers dans des locaux prévus à l’origine pour 300 personnes au plus. Et quand le porte-parole du gouvernement affirme que plus d’un millier de combattants de la secte terroriste Boko Haram sont dans nos prisons, et ils sont bien traités, l’on veut bien comprendre s’il s’agit bien des prisons que nous connaissons ou pas. Au-delà de ce qui est reproché aux forces de défense par les Ong, il convient de dire simplement que chaque agent de l’Etat a obligation, chacun en ce qui le concerne et dans les missions qui lui sont confiées, de veiller à ce que ses agissements au quotidien ne nuisent pas à l’image global de son service et de tout le pays par la suite. La violation des droits élémentaires des Camerounais à tous les niveaux, la corruption en plein air, les détournements, les marchés fictifs payés et autres, tous sont des éléments qui nourrissent les différents rapports des organismes internationaux, qui une fois publiés, obligent le Mincom à défendre l’image du pays, parfois à son corps défendant.
Roland TSAPI, Journaliste