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Justice : Lenteurs judiciaires, la facture sociale est lourde

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Avoir des difficultés de se faire rendre justice, est une situation qui crée des sentiments allant de la frustration à la vengeance, qui se transforme souvent en crime. La soif de justice peut en effet pousser l’humain à des extrêmes, surtout quand il a l’impression que cette justice lui est déniée d’une manière ou d’une autre. C’est ce qu’on observe dans la rue camerounaise depuis des années, avec ce qu’on appelle la justice populaire.

Sur un tout autre plan, l'absence d'autonomie budgétaire est une cause des lenteurs judiciaires. La justice doit par exemple, pour rémunérer le personnel ou acheter du matériel, attendre la dotation du ministère de la justice
Roland Tsapi.

Il s’agit de sentence de mort prononcée par des populations en furie et surexcitée contre un présumé coupable avec exécution immédiate, par le feu de préférence. Elle est expéditive, exécutoire sur seconde et non susceptible d’appel. La sanction suit la faute, sans détour ni procédure, et le présumé coupable n’a aucun moyen de défense. Ainsi il y a des matins où les populations se réveillent et sur le chemin du travail elles rencontrent deux ou trois corps de personnes brûlées à l’aide des pneus et du carburant. Les malheureux auraient été surpris en train de dévaliser un domicile ou un commerce, braquer une moto ou commettre tout autre forfait dans la nuit. Même en plein jour, les populations ne se gênent plus pour administrer ce genre de sentence. Le phénomène est devenu tellement banal et courant que certaines personnes mal intentionnées en profitent souvent pour régler des comptes. Il suffit désormais d’une dispute entre ou une rupture, pour qu’une femme calcule un lieu propice, attire l’homme et crie «au voleur» pour que son compte soit réglé. Parce que la justice populaire ne s’encombre pas de vérifications, elle ne veut pas savoir si l’accusation est fondée, ou pas, les auteurs agissent d’abord, comme s’ils voulaient prendre une vengeance sur quelque chose.

Enquête bâclée, une relaxe fantaisiste

Dans toute société ou Etat, il existe pourtant des institutions qui permettent à tout citoyen qui se sent lésé par une infraction de saisir les autorités compétentes. Au Cameroun, c’est le système judiciaire qui est en charge de la justice. Mais si cette justice se retrouve dans la rue, c’est simplement parce que dans les bureaux il y a problème. Un problème qui a lentement, mais sûrement éloigné ces populations désormais convaincues que c’est plus simple de régler son compte soi-même. Que ce problème dans les bureaux soit appelé lenteur judiciaire, corruption, favoritisme, trafic d’influence, laxisme, il existe, il est bien réel, et les ravages dans la société sont perceptibles. Ces citoyens qui perdent ainsi leurs vies dans la justice populaire, au mépris des droits humains, parfois sans être le vrai coupable. Tout simplement parce que plusieurs fois, un présumé voleur a été interpellé et remis entre les mains des forces de l’ordre, et le lendemain il est libéré et se retrouve au quartier en train de narguer les populations, sans manquer de leur faire savoir qu’il est intouchable. Ainsi, sans le savoir, les acteurs du système judiciaire ont progressivement poussé les populations à se rendre justice elles-mêmes. Une enquête bâclée, une relaxe fantaisiste, une garde à vue non justifiée, une détention provisoire devenue définitive, un verdict qui est attendu pendant de longues années, autant d’actes et de manières de faire qui ont contribué à installer cet état de nature, cette jungle qui est observée dans les villes où règne dans les rues  cette justice populaire, punitive et expéditive.

Nous ne dédouanons pas cette forme de justice, nous disons simplement que son existence est la conséquence du mauvais fonctionnement de la justice étatique, qui s’applique d’ailleurs à tout le monde, même à ces auteurs de la justice populaire. C’est une justice qui s’oppose à la justice publique ou étatique, qui est la fonction souveraine de l’Etat consistant à définir le droit positif  et trancher les litiges entre sujets de droits. Ceux qui ont fait de ce moyen de se rendre justice une norme doivent savoir que dans un Etat de droit comme le Cameroun,  les acteurs et les auteurs de la justice populaire s’exposent à des poursuites judiciaires. En ce sens que, comme l’explique le Conseiller juridique Estelle Djomba Fabo, lorsque la foule lapide ou torture un individu, bien que ce dernier ait commis une faute, elle porte atteinte à son intégrité physique (par les coups et blessures) ou à sa vie (en lui donnant la mort). Et ses atteintes sont réprimées sur le plan international que national.

Les traitements humains dégradants

Déjà, sur le plan international, le Cameroun a signé des conventions internationales contre la torture et les traitements humains dégradants. C’est le cas de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme  du 10 décembre 1948 qui dispose dans ses articles 5 et 9 respectivement  que « nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou des traitements cruels inhumains et dégradants », « nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé » Le Code Pénal  camerounais quant à lui, en ses articles 275, 278 et 279 et suivants, punit le meurtre les coups mortels et les coups avec blessures graves. Les auteurs doivent également savoir que le fait que cela se fasse souvent en masse n’innocente personne. Parce que si un individu est interpellé sur les lieux et désigné comme étant un des auteurs de la vindicte populaire, il peut être puni des peines prévues, qui sont l’emprisonnement à vie pour celui qui comment un meurtre, ou l’emprisonnement de 10 à 20 ans pour les coups et blessures. Mais est-ce à ce moment-là que la justice étatique fera sérieusement sont travail ? D’aucuns surfent souvent sur ce doute pour se dire qu’ils sauront toujours s’en sortir même s’ils vont devant la justice, c’est-à-dire suffira de « bien parler » pour ne pas faire la prison. Et l’on se retrouve résolument dans un cercle vicieux, duquel on ne peut véritablement sortir qu’avec de la volonté politique.

Roland TSAPI, Journaliste

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