Considéré, suivant les discours officiels, comme un havre de paix, le Cameroun est parfois ébranlé par différents facteurs porteurs de germes, voire de situations de crises. En dépit des apparences parfois trompeuses, la paix demeure fragile sur divers échelons de la vie sociale.

Au niveau social, le tribalisme rampant et ambiant est un déterminant qui participe à menacer et à faire voler en éclat la paix considérée comme un précieux acquis. Au Cameroun, entre 1991 et 1994, l’on a assisté à une véritable explosion inter-ethnique qui s’est matérialisée par une sorte de débordement du discours ethno-centré des clichés et des invectives à caractère ethniciste dans les lieux publics. Des stéréotypes du genre « Toujours les Bamiléké, encore vous les Bassa, vraiment les Betis, les Anglos alors, quant aux Nordistes… participent, entre autres, à agrémenter les expressions porteuses d’injures et catalysatrices de conflits inter-ethniques. Ce type de propos tribalistes a, d’ailleurs, lors des années de l’avènement de la démocratisation, été répercuté dans le champ médiatique, où certains journaux du Centre, du Sud ont été, a priori, étiquetés comme des journaux pro-gouvernementaux et des journaux de l’Ouest comme des publications pro-opposantes.

Corruption comme vecteur d’injustice

De plus, l’injustice sociale, au Cameroun, est un phénomène ayant contribué à donner à certains compatriotes le sentiment fort préjudiciable que seul un groupe dominant dispose de tous les droits et de tous les pouvoirs dans les sphères de prise de décisions, ainsi que dans des strates administratives du giron étatique et para-étatique. Dans une lettre pastorale sur la corruption, il y a plusieurs années, les évêques camerounais avaient dénoncé, avec rigueur, la corruption comme vecteur d’injustice. A ce propos, les prélats soutenaient que la corruption engendre une société injuste qui ne garantit plus l’égalité des droits et des chances pour ses citoyens. Elle crée, dans le même sillage, un climat de suspicion et de méfiance entre les individus. Autre déterminant non des moindres fragilisant le contexte de paix, c’est la pauvreté. Le chômage des centaines de milliers de personnes a, sans conteste, entraîné la paupérisation des citoyens et la dégradation de leurs conditions de vie. Personne n’est plus sûr de manger à sa faim. De nombreux parents éprouvent toutes les peines à envoyer leurs enfants à l’école et à satisfaire à leurs besoins vitaux. Les soins de santé sont hors-de portée d’un grand nombre au point où l’on meurt parfois de paludisme. D’autres facteurs sont porteurs de crises ici et ailleurs. La menace sécuritaire, l’intolérance religieuse, la recrudescence des replis identitaires, la permanence des inégalités sociales, la récurrence des conflits fonciers sont, entre autres, des vecteurs qui, à un moment ou à un autre, peuvent, si l’on n’y prend garde, entraîner une certaine déflagration sociale.

Serge Aimé Bikoi, Journaliste et Sociologue du développement