Le 10 mai 2017, le Secrétaire d’Etat à la défense en charge de la gendarmerie, Jean Baptiste Bokam, a muté deux agents de la gendarmerie en poste au peloton routier motorisé de Bonabéri à Douala pour la ville de Poli dans la région du Nord et à Blangoua dans la Région de l’Extrême Nord.

Cette mutation faisait suite à une précédente note adressée la veille au Commandant de la Compagnie de région numéro 2 de laquelle dépendent les deux éléments du Peloton motorisé, disant ceci : « une vidéo postée par les réseaux sociaux par inconnu circule actuellement sur Facebook impliquant des personnels du Peloton routier motorisé de Bonabéri dans des actes de corruption. Bien vouloir procéder aux vérifications urgentes, par ailleurs prendre mesure disciplinaires et judiciaires encontre intéressés… » C’est dire que ces mutations sont des sanctions, dans la compréhension du Secrétaire d’Etat, ainsi prises à l’encontre de ces deux agents reconnus coupables de corruption. Une mutation qui soulève au moins deux questions, au-delà de l’effet d’annonce.
Produits de contrebande
La première est celle de savoir si muter un fonctionnaire est une sanction, puisque les agents en question ne sont ni suspendus, ni rétrogradés, juste mutés en conservant leur grades et titres. Considérer leur déplacement comme une sanction revient à dire les deux villes de destinations sont zones poubelles, ou des endroits juste bon pour caser les corrompus, cela veut aussi dire que tous ceux qui y était affectés sont aussi des corrompus ou des coupables d’autres actes d’indiscipline. La logique aurait été qu’ils soient relevés de leurs fonctions purement et simplement ou suspendus même pour 2 ans du corps de la gendarmerie. C’est la sanction exemplaire qui pouvait dissuader. La deuxième est de savoir pourquoi envoyer des agents qu’on sait corrompus dans des zones frontalières c’est-à-dire de haute intensité de transit, et par conséquent des u de toutes sortes. Doit-on penser que le Secrétaire d’Etat les envoie continuer leur indiscipline là-bas ? N’y a-t-il pas risque que ces derniers laissent passer contre argent tout produits de contrebande pour tuer le commerce localement, les médicaments de contrefaçon pour mieux décimer les populations ? Et même si des camions transportaient des armes, n’y verront ils pas que du feu, aveuglés par les billets qu’ils perçoivent et glissent délicatement dans leurs uniformes ? Ces deux questions et bien d’autres font penser que les mesures du Sed ne sont que de la poudre aux yeux, au moins pour deux raisons : D’abord parce que ces deux victimes ne sont pas les seuls. Sur toutes les routes nationales du pays, et même en plein centre-ville de Douala, ces agents qu’on appelle ordinairement les routiers, reconnaissables à leurs grosses motos, sont placés à des distances régulières, généralement aux entrées des villes. Leurs activités est la même : assis sur la moto ou dans une voiture banalisée garée un peu en retrait, ils ont transformé leurs casques en paniers qui reçoivent des billets d’argent à longueur de journée. Les transporteurs leur demandent même souvent la monnaie, chose vécus.
Ensuite parce que le phénomène ne peut ne pas être connu du Secrétaire d’Etat à la Défense, qui doit disposer d’un système de renseignement assez outillé pour lui donner ce genre d’informations en temps et en heure. Ce n’est pas une vidéo postée sur les réseaux sociaux qui devrait constituer la base de cette information. D’ailleurs sa note demandant une enquête est assez parlante, elle parle d’une vidéo postée par les réseaux sociaux, c’est-à-dire à la portée du public. De quoi penser que ce qui l’a fait sortir de ses gongs, ce n’est pas l’acte de corruption qui devrait être connu, mais le fait que cet acte soit pris en vidéo et posté sur les réseaux sociaux. En attendant que des mesures appropriés soient prises à l’encontre des tous les fossoyeurs de notre République, pas de simples mutations, on peut tout de même se réjouir de ce que les réseaux sociaux, vilipendés par certains membres du gouvernement, sont cités par d’autres comme source d’informations. Si tout ce qui posté sur les réseaux sociaux dénonçant les mal pratiques pouvaient ainsi faire à chaque fois l’objet des enquêtes suivis des sanctions, il y a espoir que le pays pourrait mieux se porter.
Roland TSAPI, Journaliste