26 mars 2015, au petit matin, les populations de Komba à Bonabéri dans l’arrondissement de Douala IV sont réveillées par les bruits d’engins qui broient sans ménagement leurs habitations. Près de 3000 maisons ont été démolies sur une superficie de 40 hectares de terrain appartenant à la Mission d’aménagement et de gestion des zones industrielles (Magzi). Plus tard ce sont les quartiers Diboum, Bana, toujours pour des raisons plus ou moins similaires. A chaque fois, des centaines d’éléments des forces du maintien de l’ordre encadrent l’opération des casses. Ils sont constitués des policiers de l’Equipe spéciale d’intervention rapide (Esir), du Groupement mobile d’intervention n°2 (Gmi2).

Ces hommes en tenues sont toujours bien armés de fusils, de matraques et de bombes à gaz lacrymogène. Des camions antiémeutes de la police et de la gendarmerie garés dans un coin, prêts à intervenir. En dehors de la Communauté urbaine, on a eu aussi des déguerpissements massifs des populations à la requête d’un individu, se réclamant le seul ayant droit du site. Là aussi il y a toujours un fort déploiement des forces de maintien de l’ordre.
On peut également évoquer des cas où des individus sont interpellés chez eux par des hommes en tenue sans mandat, ou des citoyens interpellés dans la rue et amenés manu militari dans un commissariat ou une gendarmerie, mis en cellule, sur simple déclaration d’un individu. Déclaration souvent accompagnée de l’argent du carburant pour aller chercher le mal aimé, contre qui une plainte faite après arrestation. Et par la suite, on se rend souvent compte qu’il n’y a rien à reprocher à celui qu’on aura humilié en l’interpellant comme un vulgaire bandit, et qui aura passé parfois deux jours en cellule. Dans le cas des déguerpissements, souvent justifiés par une cause d’utilité publique ou terre n’appartenant pas aux habitants, les populations victimes se sont souvent soulevées pour décrier l’injustice dont elles sont victimes, et apportent les preuves comme des décisions ministérielles et de justice, qui leur donnent le droit d’occuper les sites en question. Nous évoquons ces cas, pour nous demander pourquoi la force de l’ordre peut prêter main forte aux opérations qui par la suite s’avèrent non fondées, contre des populations qu’elle est sensée protéger. La pratique est tellement courante que l’on entend des gens proférer des menaces à d’autres au point de dire « je peux appeler la police elle vient te prendre tout de suite… Je peux te faire garder pendant trois jours personne ne saura où tu es, et j’en passe. » Et c’est souvent arrivé, que dans un bar un client qui veut montrer sa toute puissance, fasse sortir des éléments de force de l’ordre, ou qu’un citoyen soit interpellé et gardé pendant des jours dans un commissariat, libéré par la suite sans traces à la main courante.
Ce que dit la loi…
Dans le Décret n° 2002/003 du 4 janvier 2002 portant organisation de la Délégation Générale à la Sûreté Nationale, la police a une mission fondamentale, celle d’assurer le respect et la protection des institutions, des libertés publiques, des personnes et des biens. Dans la pratique actuelle, on a la nette impression que cette protection est à tête chercheuse, et se fait souvent à l’aveuglette, selon que l’on est puissant où faible. Sinon pourquoi les forces de l’ordre ne prennent-elles pas du temps pour vérifier les déclarations des citoyens contre d’autres? pourquoi ces forces de l’ordre ne prennent-elles pas le temps de vérifier la régularité d’un document que lui apporte un individu prétextant qu’un terrain lui appartient, et lui prête aveuglement main forte pour aller casser des habitants dessus ? La police n’a-t-elle pas les moyens ou le droit de s’assurer que le déguerpissement pour lequel la Communauté urbaine demande le renfort est régulier, que les populations ont été indemnisées comme l’exige la loi ? N’est-ce pas en cela qu’elle assure sa mission de protection des personnes et des biens ?
La loi portant organisation de la Sureté nationale place la police sous l’autorité directe du Président de la République, ce qui pourrait laisser croire qu’elle n’est là que pour le protéger et tous ceux qui se réclament être sous sa protection. Mais le président de la République parle depuis d’une police plus humaine, plus proche de la population, une police qui rassure au lieu d’inspirer plutôt du stress, une police soucieuse de l’équité, objective dans ses procédures. L’émergence de 2035, slogan du pouvoir depuis quelques années, c’est aussi une police qui inspire le bien être au sein des populations, pas celle qui aident des individus à oppresser d’autres. Le Dgsn Mbarga Nguelle montre déjà à son niveau des signes qu’il veut redorer l’image de la police. Reste à ses collaborateurs de le suivre dans cette direction en ne cédant plus aux pressions de l’argent. C’est là qu’ils pourront être fiers d’être de ce corps, fier d’être inspecteur ou officier de police, fier d’être commissaire ou commissaire divisionnaire, fier d’être Délégué Régional à la sûreté national ou autre chose, car comme dit Machiavel, que l’on peut pour une fois citer positivement, « Ce n’est pas le titre qui honore l’homme, mais l’homme qui honore le titre».
Roland TSAPI, Journaliste