Ces pratiques sont toujours d’actualité dans deux départements sur les six que compte cette région du Cameroun.
Dans les départements du Logone et Chari et du Mayo-Sava, les mutilations génitales ont encore pignon sur rue malgré les efforts du gouvernement et des organisations non gouvernementales pour endiguer le phénomène. Ces mutilations génitales sont pratiquées généralement sur les jeunes filles dans deux tribus différentes que sont les Arabes-Choa et les Malgouwa. C’est une tradition ancestrale perpétrée depuis des lustres et dont l’objectif est de priver la jeune fille du désir d’une sexualité précoce.
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Les efforts menés sur le terrain dans les deux départements Mayo Sava et Logone et Chari se basent beaucoup plus sur les différents canaux de sensibilisation pour que les responsables cessent de pratiquer les mutilations génitales qui sont déjà combattus par les chefs traditionnels impliqués dans la sensibilisation.
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« Les mutilations génitales sont en régression actuellement parce que ça se pratique dans le Mayo Sava tout comme dans le Logone et Chari où se trouve nos points focaux. Mais c’est en train de baisser grâce aux sensibilisations que nous multiplions et les prédications que nous faisons dans les mosquées, les séminaires que nous organisions en tant que religieux à l’endroit des femmes qui pratiquent cette excision. Elle est particulièrement pratiquée par les femmes qui sont responsables. Depuis quelques temps, Dieu merci, c’est en train de régresser et malgré que ça existe toujours, il y’a encore quelques poches de résistance dans les zones où il y’a beaucoup de déplacés internes et surtout dans le canton de Bonderi », rassure Iman Adama Alhadj Oumaté, dignitaire religieux et président du système d’alerte communautaire précoce (Scap).
Dans le Logone et Chari tout comme dans le Mayo Sava il y’a des fêtes que les familles organisent ; des rituels sont faits pour montrer la bravoure de la jeune fille qui n’a pas pleurer pendant son excision. Elles sont récompensées par une vache pour ceux qui disposent des moyens, soit un mouton pour les parents pauvres.
L’excision à la base est une pratique islamique selon les anciens pourtant, « dans le Saint Coran, aucun sourate n’ordonne l’excision des filles. Donc en clair, les familles qui la pratiquent se basent simplement sur la tradition de leurs ancêtres. Raison pour laquelle aujourd’hui nous chefs traditionnels combattons avec la dernière énergie cette pratique qui n’honore pas la dignité de la jeune fille » indique le chef traditionnel Haman.
Ajugué est une victime des mutilations génitales. « On m’a excisée à l’âge de 12 ans et m’envoyé en mariage à l’âge de 13 ans ; j’ai eu mal mais comme c’est la tradition j’étais obligée de laisser faire ; à cette époque une fille n’avait pas droit à la parole et j’étais une petite fille. Il est difficile de savoir entre nous les filles excisées et non excisées les degrés de plaisir que nous ressentons pendant les rapports sexuels. Je crois qu’à mon avis les filles non excisées ressentent plus de plaisirs que nous. Aujourd’hui moi victime je condamne cela. Il faut que ça cesse vraiment ».
Union forcée
D’après la loi camerounaise 2016/007 du 12 juillet 2016 portant code pénal, dans ses articles 277 et 277-1, est puni d’un emprisonnement de 10 (dix) à 20 (vingt) ans celui qui procède à la mutilation de l’organe génitale d’une personne quel que soit le procédé. Bien plus : « La peine de est l’emprisonnement à vie : si l’auteur se livre habituellement à cette pratique ou s’il le fait à des fins commerciales ; si la mort de la victime en résulte ». La juridiction peut en outre prononcer les déchéances prévues aux articles 19 et 30 du présent code.
A l’Extrême-Nord du Cameroun, il n’y a pas que les mutilations génitales qui ont la peau dure. Les mariages forcés connaissent un beau temps. Les mariages forcés sont récurrents dans trois départements à savoir le Diamaré, le Mayo Sava et le Logone et Chari, et singulièrement dans les communautés Kanouri, Bornoua et les Peuls. Entre les familles, c’est l’expression « mariages organisés » qui est plus usitée. Généralement, c’est l’oncle qui épouse la fille de son frère, ou la fille est envoyée de force chez un vieux monsieur, avec la complicité de la maman.
Dans le canton de Mémé la fille doit partir en mariage à l’âge de 11 ans, sans son consentement. Chez les tribus Bornoua et Kanouri, les filles sont envoyées de gré ou de force chez certains Peuls et les Arabes Choua dans le Logone et Chari certaines familles remettent la fille à sa belle-mère à l’âge de 10 ans et le mariage est scellé. A l’âge jugé convenable, son mari viendra la récupérer.
« Je suis allée en mariage à l’âge de 11 ans et 2 mois j’ai eu mon premier rapport à l’âge de 12 ans. Mes parents m’ont forcé d’aller chez l’ami de mon père qui avait le même âge que mon papa. Désolée, mais je ne peux pas continuer à parler de ce sujet. J’ai encore très mal au cœur quand j’y pense. J’ai vécu des moments difficiles dans ma vie. J’étais obligée de fuir pour me réfugier chez l’une de mes tantes qui malheureusement m’a prise pour me ramener encore dans mon foyer. C’est difficile pour moi de tout vous raconter », nous narre, les larmes aux yeux Djamilatou.
Dans le canton de Kerawa, arrondissement de Kolofata, département du Mayo Sava, les chefs traditionnels se lèvent contre cette pratique. « C’est pour nous la chance d’être intronisé étant jeune et aujourd’hui mon premier combat c’est d’interdire dans ma localité les mariages forcés. La fille doit librement choisir son homme et vice versa parce qu’il y’a des garçons à qui on impose une fille. Donc depuis mon intronisation je n’ai pas cessé d’inviter les imams à sensibiliser dans les mosquées », indique le chef de canton du Mayo Sava, Margui Wandala.
Anicet MAPOUT à l’Extrême-Nord