De bonne ou de mauvaise foi, les faits restent têtus. Les Camerounais clament le changement, mais ils ne sont pas prêts.
An 2003. Le saxophoniste Manu Dibango fait parler du Cameroun et de l’Afrique à travers le monde. Papa Groove va de sollicitation en sollicitation. Des Etats sont à ses pieds pour qu’ils renoncent à la nationalité camerounaise et épouse la leur. Niet. Il refuse. Il reste jalousement attaché à son Vert-Rouge-Jaune. C’est malheureusement ce trop-plein d’amour qui le pousse à accepter le poste de président du Conseil d’administration de la Société nationale des droits d’auteurs, la Cameroon music corporation (Cmc). Il entame un vaste chantier de réformes pour mettre les droits d’auteurs sur les rails, comme cela se fait ailleurs. Sauf que Manu avait oublié son environnement, très hostile au changement. Il n’a fallu qu’un an et quelques mois pour qu’il dépose les clés, déconcerté suite aux accusations de mauvaise gestion de la part de ses collègues. Manu qui avait déjà reçu les honneurs même des Chefs d’Etat, qui n’avait pour ainsi dire pas faim, voyait son nom être traîné dans la boue par ses propres frères. Il avait crié son innocence dans les médias, écrit même une lettre au président Paul Biya dans laquelle il présentait son bilan. Mais bon, comme l’avait dit le Christ, nul n’est prophète chez soi.
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Ainsi va le Cameroun Samuel Eto’o. N’as-tu pas conscience de cela ? Le Camerounais n’aime pas son frère, c’est une lapalissade. Il est aussi évident que le Camerounais n’est pas prêt au changement. Honnêtement, qui peut prétendre que tu vas dérober les caisses de la Fecafoot, si tu deviens président ? Personne. Que détient la Fecafoot, par rapport à tout ce que tes jambes t’ont fait gagner durant ta brillantissime carrière ? De la pisse de chat. Le réel problème qui justifie ma posture, c’est l’environnement assassin. Combien de tes collaborateurs, si tu es président, veilleront à la stricte application de ta vision ? Combien parmi eux ne détourneront les budgets alloués à x projet, au risque que tu sois accusé après de mauvaise gestion ? Qui va accepter tes projets révolutionnaires quand il profite de la gestion opaque pour se faire du beurre ? Tu risqueras d’entendre plus tard : «Eto’o se prend pour qui ? Il pense pouvoir changer un système qui date de mathusalem ?». Suivra une cabale à travers nous les médias, bien évidemment. Désolée, mais tu sais que tu fais vendre.
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Revenons sur le projet du recordman des buts en Coupe d’Afrique des nations. Samuel Eto’o promet : la restructuration de l’administration de la fédération, le rétablissement des équilibres financiers, la recherche des nouvelles ressources de financements ; le développement du football jeune à travers l’organisation du championnat national de football et des compétitions spécifiques sur l’ensemble du territoire ; la reformation du football professionnel ; la valorisation du potentiel du football féminin, la relance du football amateur et la restructuration des ligues spécialisées ; l’amélioration de l’attractivité des compétitions nationales ; la construction ou l’aménagement de trois centres techniques régionaux ; le programme de construction à l’horizon 2030 de quarante stades municipaux…
Il faudrait être mal luné pour trouver à redire sur ces projets de société que propose le quadruple Ballon d’Or Africain. Hélas, une fois de plus, les Camerounais ne sont pas prêts à pareilles révolutions. Parce qu’au lieu d’apprécier et d’accorder du crédit au postulant au poste, les contre arguments de bas étage vont émerger, certainement du genre ‘‘il ne faut pas donner la Fecafoot à un Duala… nous méritons aussi de l’avoir… » Ces discours antisociaux devenus d’ailleurs le fonds de commerce et le terrain de jeu de nos Hommes politiques. Samuel Eto’o, tu attesteras que quand tu montres la lune, les Camerounais ne regardent pas loin, ils se limitent au doigt. Un Philippin ou un Irakien ou un Centrafricain a plus de chance de gagner une élection au Cameroun, face à un Camerounais. Sommes-nous si différents des Ivoiriens ? Didier Drogba pourra répondre.
Pour ma part, Samuel Eto’o, j’ai foi que la Fecafoot avec toi, il y aura une révolution. Hélas, je suis aussi convaincue que si au soir du 11 décembre tu es élu, les Camerounais vont te faire vivre le martyr. Ils sont répulsifs au changement, positif surtout. Tu seras plus occupé à répondre aux attaques, aux potentielles plaintes au Tas, qu’à mener ta mission, droit au but. Les Camerounais ne font pas briller les étoiles. Ils les éteignent plutôt. C’est la spécialité de la maison.
Valgadine TONGA