Avant d’être enterré ce samedi 25 février 2023 à Dibombari, Ekambi Ekambi Louis Brillant a été élevé au rang de Grand Officier de l’Ordre national de la valeur à titre posthume.
Le monde l’a accueilli le 18 juin 1948. Le monde lui a dit au revoir ce samedi 25 février 2023. Ekambi Ekambi Louis Brillant a rejoint définitivement la terre de ses ancêtres. Ses amis et collègues artistes ont fait le déplacement pour le stade municipal de Dibombari (département du Moungo –région du Littoral). L’office religieux a débuté à 11h 25min, juste après l’installation des autorités administratives, traditionnelles, religieuses, des élus locaux, amis intimes de l’artiste entre autres.
Sous les tentes, quelques voix éclatent en sanglots lors de la procession. «Dieu ne nous a pas créés pour rester indéfiniment dans ce monde, mais pour que nous partageons aussi avec lui notre vie. C’est la raison pour laquelle, par la mort et la résurrection de son Fils, il nous donne la vie en abondance. La mort constitue donc un passage pour accéder à la vie éternelle», console dans son prêche, l’évêque de Nkongsamba Dieudonné Espoir Atangana. Et d’ajouter : «C’était un artiste chrétien, qui a essayé à sa manière d’être lumière pour sa famille, pour ses collègues, pour la société. Que sa voix éclate en chants glorieux pour l’Eternel. Je voudrais faire un plaidoyer : puisse le sort des artistes, leur sécurité sociale, et surtout leur fin de vie, soient pris en charge par la société, pour qu’ils chantent le cœur heureux.»
Le grand combat d’Ekambi Brillant dit Mot’a Muenya était justement la professionnalisation du secteur de la musique au Cameroun. Son grand ami et fiscaliste Pierre Alaka Alaka se souvient qu’Ekambi Brillant projetait de créer «une banque de financement, pour accompagner les artistes et dans laquelle tous les droits des artistes devraient être reversés. Il avait pensé à un championnat des musiques du Cameroun… S’il y a des personnes, ses enfants qui peuvent réaliser ce projet, je suis à leur disposition.»
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Fait Officier national de la Valeur à titre exceptionnel en 2009, Commandeur de l’Ordre national de la valeur en 2016, le président Paul Biya a élevé Ekambi Brillant au rang de Grand Officier de l’Ordre national de la valeur, à titre posthume. Distinction remise par le préfet du Moungo, Yves Bertrand Ndjana, représentant du Chef de l’Etat à l’enterrement. Pour rendre hommage à Ekambi avec qui ils ont partagé plus de 50 ans d’amitié, l’ancien ministre Pierre Moukoko Mbonjo a repris un de ses titres du temps qu’il était chanteur.
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Ekambi Brillant a été accompagné en terre, sur l’un de ses titres célèbres, ‘‘A Sango’’. «Depuis son lit d’hôpital, il écoutait cette chanson en boucle 24h/24, même quand il était en Turquie», se rappelle son attaché de presse, Jean Marie Debalois.
Ekambi Ekambi Louis Brillant est décédé le 12 décembre 2022 à l’hôpital Laquintinie. Ses obsèques ont duré trois jours. Trois jours d’indifférence déconcertante des artistes de la jeune génération. N’empêche, c’est en grand nombre que les frères d’âmes, les artistes de la génération intermédiaire comme Marole Tchamba, Dinaly, Kaissa Pakito, Martino Ngalle…les amis tel Cyrille Bojiko, et le peuple camerounais, ont rendu un vibrant hommage à Ekambi Brillant.
Vive Brillant !
Valgadine TONGA
L’adieu de Dinaly, André Marie Talla, Aladji Touré, Marole Tchamba…à Ekambi Brillant
Joel Mpah Dooh (porte-parole de la famille) : «un brassage de chorales autour de sa musique»
Ekambi Brillant est mort très heureux, très encadré. Il avait de très gros projets. J’ai eu l’occasion pendant ses obsèques d’écouter beaucoup de choses de lui. Il y a quelques-unes qu’on va essayer de réaliser, comme organiser un brassage de chorales autour de sa musique. Il a énormément chanté pour Dieu, mais surtout il remerciait le bon Dieu dans toutes ses chansons, pour le talent qu’il lui a donné. Il faut que ça se sache.
André Marie Talla : «Je m’en remets à la sentence de Dieu »
C’est un évènement triste de le perdre de cette manière. Brillant et moi, à l’époque, avions des similitudes. Il y avait une comparaison, parce qu’en France il y avait Johnny et Antoine. Au Cameroun il y avait Brillant et André Marie Talla. Le fait qu’on est eu la chance d’arriver à une période en créant des chansons qui ont permis aux Camerounais de commencer à abandonner la musique congolaise qui nous envahissait est un combat que Brillant et moi avons mené. Et grâce à des journalistes comme Jean Gaston Tamba, Bruno James…, nous avons commencé à inscrire une musique camerounaise aimée par les Camerounais, parce qu’avant, on était noyé dans la musique congolaise. Bien sûr qu’il y avait des artistes comme Ebanda Manfred, Los Camaroes, Anne Marie Nzie, Medjo Me Msom Jacob… Mais pour que les jeunes s’intéressent à la musique camerounaise, il a fallu qu’on puisse avoir l’occasion d’enregistrer dans les studios compétitifs. J’ai appris il y a quelques mois sa maladie et que d’aucuns avaient prédit sa mort. Heureusement c’était faux. Après je lui ai rendu visite à l’Hôpital Général. Nous avons causé et quand il m’a dit qu’il attendait une évacuation en Turquie, je suis repartie avec beaucoup d’espoir. Ça été un choc pour moi de savoir qu’il est rentré de Turquie et que la mort a suivi. Mais comme la mort est au-dessus de tout, Dieu donne et il reprend. Je m’en remets à cette sentence du Seigneur. Je souhaite comme beaucoup de mes collègues à Brillant de reposer en paix.
Aladji Toure : «On espère tout simplement que la nouvelle génération va suivre ses traces»
Je monte dans l’avion pour la première fois en 1976. C’est grâce à ce grand monsieur qui est mort. Nous avons fait une tournée au Cameroun il y a plusieurs années. Nous étions revenus d’ailleurs avec des musiciens de Paris mais ils ont décidé de retourner sur Paris avant la fin de la tournée. D’une dizaine, nous ne sommes restés que cinq. C’est alors que pour la première fois, j’ai dû mimer les arrangements des cuivres, puisque tous les saxophonistes étaient rentrés. Ce souvenir lui revenait souvent et on en rigolait. Je garde de lui sa musique, ses mélodies et les conseils qu’il m’a donnés quand je suis entré dans son orchestre. Depuis qu’il nous a quittés, je me sens de plus en plus proche de lui parce que ses musiques jouent en boucle dans ma tête. C’est l’artiste camerounais qui m’a marqué le plus. C’était quelqu’un de vrai, qui venait d’une autre planète, quelqu’un qui intégrait toute la mélodie du ‘‘ngosso’’ camerounais. Nous avons perdu un grand homme. On espère tout simplement que la nouvelle génération va suivre ses traces. Il a laissé beaucoup d’œuvres.
JM Debalois Fiatchoua : «Il souhaitait que l’artiste se fasse respecter»
De novembre 1979 à décembre 2022, ça fait 42 ans de collaborations avec Brillant. Je garde de lui l’image d’un homme méticuleux, très professionnel, qui savait ce qu’il avait à faire. Il ne perdait pas son temps dans les conjectures. Il était très rangé. De ma vie, je ne l’ai jamais vu boire une goutte d’alcool. Vous imaginez que c’est bizarre dans le milieu artistique, mais c’était sa discipline de vie. Il disait que la première chose pour un artiste c’est la discipline. Quand il n’a pas à faire dehors, il est chez lui à 19h. Il ne vadrouillait pas, comme le font certains artistes. Tous les matins, il parcourait 6km à pied. Je garde l’image d’un grand frère. On était devenu comme père et fils. Je suis l’une des rares personnes qu’il pouvait commissionner dans sa chambre. Le seul regret qui l’emporte dans sa tombe, c’est sa volonté de professionnaliser le métier, donner un statut à l’artiste camerounais. Il souhaitait que l’artiste se fasse respecter par la société, par l’Etat. Autre regret, son musée qu’il voulait construire. Le terrain qu’il avait acquis est à moins de 2 kilomètres d’ici. Ça devait être une école de formation pour les jeunes qui voulaient entrer dans l’industrie de la musique qui a 52 métiers.
Dinaly : «C’est l’horreur»
Il m’appelait toujours ma femme, malgré le fait que je me sois remariée après le décès de Tom Yoms. Après le départ de Tom, l’amour qu’il avait à mon égard a doublé, parce qu’il a veillé sur moi tout le temps. Il a toujours été là, dans toutes mes démarches. J’ai l’impression de faire un double deuil parce que véritablement, c’était mon protecteur dans le monde musical. C’est beaucoup trop dur pour moi. Je suppose que c’est la voix de tout le monde. Ils partent tous comme ça, Penda Dalle, Njene Njento, tout d’un coup. On est désaxé, on ne sait plus à qui s’accrocher. C’est l’horreur.
Edmond Kwedi Ekambi (Chef de famille) : «Nos petites complicités sont finies»
Ekambi était mon frère et mon père parce qu’il y avait une différence d’âge de 15 ans entre nous. Il a tout fait pour moi. Il m’a mis à l’école. J’ai perdu un père. Je n’ai pas perdu l’artiste, parce qu’on verra toujours l’artiste par les écrits et les images. Mais mon frère je ne le verrai plus. Nos petites complicités sont finies.
Marole Tchamba : «C’était notre James Brown»
Ekambi Brillant Show, Mot’a Muenya. Un homme qui restera à jamais, qui sera porté haut même après qu’il soit parti, de par les œuvres qu’il a laissées, le parcours exceptionnel. J’ai eu la chance de côtoyer l’homme pendant les 15 dernières années de sa vie. C’est le deuil de Tom Yoms qui nous rapproche. C’est d’ailleurs la deuxième fois que je viens à Dibombari après Tom Yoms. J’ai eu la chance qu’il me rende visite aux Etats-Unis. Qui suis-je moi Marole ? J’ai eu la chance avant que je ne parte aux Etats Unis de le solliciter pour un album que je préparais et il est venu. Vous voyez quelle humilité. J’ai encore eu la chance de lui rendre visite à répétition au chevet de son lit de malade. Je l’appelais Papa Brillant et il m’appelait ma fille. Je me rappelle de notre dernière phrase. Il m’a dit, «ma fille, tu n’oublies pas Papa» J’ai répondu : «Du tout». Raison pour laquelle j’ai chanté «hommage diamanté» où j’ai repris ses titres «Elongui» et «Sena». Je n’avais jamais chanté pour un défunt, à l’exception de mes parents. Ekambi Brillant Show nous a montré une autre façon de faire le show. C’était notre James Brown. On accompagne un homme gentil, calme. C’est triste ce que nous vivons mais nous sommes obligés de rester forts. C’est un mal profond. Je souhaite que le Tout-Puissant lui réserve une place de choix, parce qu’il a beaucoup donné.