La violence et l’insécurité ambiante en milieu scolaire au Cameroun impacte sur les résultats scolaires, avec les enseignants qui se méfient désormais de leurs élèves bourreaux.
L’on se souvient comme si c’était hier, du meurtre du jeune Boris Kevin Njomi Tchakounté, enseignant de mathématiques au Lycée de Kolbisson à Yaoundé. Âgé de 26 ans seulement, ce jeune enseignant en cours d’intégration et qui venait d’être recruté deux mois plus tôt, comme enseignant vacataire dans cet établissement, avait mortellement été atteint poignardé à coup de compas par son élève le 14 janvier 2021.
Plus récemment, le 06 avril 2022, le principal du complexe scolaire Yona au quartier Nkolbisson, a été poignardé, à l’aide d’un couteau, au ventre et à l’épaule par un élève parce que l’infortuné avait confisqué un pull-over de l’élève qui n’était pas conforme à l’uniforme de l’établissement. Heureusement pour le responsable de l’établissement, a survécu. Le 28 mars 2022, la surveillante générale du Lycée de Nkol-Eton, s’est vue refaite le portrait par une élève. L’énumération est loin d’être exhaustive.
Lire aussi :Lycée de Nkolbisson : un élève poignarde son enseignant
Les seigneurs de la craie étaient loin de s’imaginer que cette noble profession qu’ils ont fièrement embrassée devait leur coûter la vie. L’école, haut lieu de dispensation et d’acquisition du savoir, est devenue le théâtre de la violence. L’insécurité s’y est profondément enracinée, devant un silence assourdissant des autorités administratives. Ce climat de violence et d’insécurité est loin de rassurer les enseignants. « Ces multiples violences à l’endroit des enseignants ne sont pas de nature à nous rassurer. Actuellement, nous sommes devenus très méfiants dans les salles de classe. Je me dis qu’un de mes élèves que j’ai inconsciemment heurté, peut me garder rancune, et m’agresser quelque part. Et comme j’enseigne de grands élèves, ce n’est pas évident. Avec les enfants d’aujourd’hui, il faut être sur ses gardes», conseille Marguerite Sharons, enseignante.
Lire aussi :Education : violence à l’école comme reproduction de la société
Selon certains enseignants, la violence dont ils sont victimes est étroitement liée à leurs mauvaises conditions de travail. «De nos jours, c’est comme si la violence des élèves a été légitimée. Parce que, ça ne dit plus rien à personne. Même quand on punit certains, le même jour ou quelques heures après, la même chose se répète. Les élèves n’ont plus peur des enseignants. Personnellement, je pense que c’est le ton donné par la société. C’est le traitement que le gouvernement a réservé aux enseignants. Quand on voit un enseignant qui ne ressemble à rien, qui est clochardisé c’est normal que l’élève ne le respecte pas. Parce que plusieurs vivent dans précarité. Nous savons tous que pour être respecté, il faut avoir une certaine carrure ; il faut avoir une certaine mine. Vous ne pouvez pas être un affamé et on vous respecte. Je me souviens un jour, un élève de quatrième m’avait dit que son père peut me payer mon salaire de toute l’année», indique un enseignant ayant requis l’anonymat.
Lire aussi :‘’Craie morte’’ : Paul Biya répond aux enseignants
Il poursuit : «A travers cela, vous comprenez l’idée que se font les parents par rapport aux enseignants. De nos jours, les enseignants ne sont plus respectés. Le meilleur moment de l’enseignant, c’est quand il est devant ses élèves, parce qu’il a accepté de former ses élèves. Malgré l’insécurité dans laquelle nous travaillons, notre crainte s’estompe quand nous commençons à dispenser les cours».
Lire aussi :Grève des enseignants au Cameroun : sur une ardoise de 181milliards Fcfa, l’Etat veut gommer 2,7milliards
La situation n’est pas sans conséquence sur les performances scolaires des apprenants. «Lorsque l’enseignant n’est pas respecté, même les enseignements qu’on dispense ne passent pas. Cela a de l’impact sur le rendement des élèves. Même l’enseignant ne peut pas bien faire son travail. Et l’apprenant ne peut pas bien assimiler ce qu’on donne. C’est la raison pour laquelle les résultats scolaires de nos jours sont regrettables. Si on veut être rigoureux, je pense pas que le travail des élève dans les différents examens officiels peut atteindre plus de 7% de réussite» dénonce Martial K (nom d’emprunt), enseignant de français.
Face à ce mal qui gangrène l’éducation, les enseignants proposent valorisation de l’enseignant afin qu’il cesse de tirer le diable par la queue.
Blanchard BIHEL