Le phénomène de la rareté des pièces de monnaie est de plus en plus récurant, pour ne pas dire qu’il s’aggrave de jour en jour. C’est du moins ce qui est observé dans la capitale économique Douala, où circule la plus grande masse monétaire par jour. Les usagers des taxis, moto taxi, les clients des boutiques et grandes surfaces sont presqu’obligés soit de mettre plus de temps en route à attendre un taxi juste parce qu’ils ont une coupure de 500F en pièce ou en billet, soit ils doivent simplement abandonner leur monnaie, à défaut de chercher eux-mêmes des pièces supplémentaires au-dessus des montants comme 500 ou 1000F.
Phénomène connu
Cette rareté se vit depuis plusieurs années déjà, le problème est connu de toutes les autorités, surtout administratives. Pour les autorités monétaires, la Banque des Etats de l’Afrique centrale, par la voix de son Gouverneur Abbas Mahamat Toli a pris la résolution le 18 décembre 2018 d’ouvrir une enquête sur la disparition des pièces. Mais la cause que veut trouver le gouverneur de la Beac est connue depuis longtemps, pas besoin de chercher midi à 14h. Les pièces de monnaie sont absorbées au quotidien par des boites à sous, installées en plein air dans tous les carrefours de la ville de Douala, pour ne se limiter que dans la capitale économique.
Les sous-préfets des différents arrondissements ne le savent que trop bien. Ils savent que les débits de boisson, les boutiques où on ne vendait que du simple pain auparavant, les kiosques dans les carrefours, et même des endroits insoupçonnés, ont des machines à sous qui prennent ces pièces de 100 Fcfa. Ils savent également que ces pièces font l’objet d’un vaste trafic et de contrebande. Collectées en détails dans le circuit économique, elles n’y rentrent plus une fois introduites dans ces machines. Le contrôleur se charge de les changer systématiquement en billet avant de remettre aux gagnants. Ils savent que de manière périodique un collecteur vient les récupérer par la porte dérobée, moyennant une commission, et le paquet des pièces récoltées prend une destination inconnue du public, mais pas toujours inconnue de ces sous-préfets qui ont sous leur responsabilité les forces de l’ordre charger de les traquer.
Complaisance…
C’est parce qu’ils le savent, qu’ils ont encouragé et soutenu l’opération qui a permis de découvrir en novembre 2018 une cache avec 42 sacs de pièces de monnaie d’une valeur déclarée de 15 millions de Fcfa au quartier Ndogbong dans le troisième arrondissement de la ville de Douala. Après exploitation des deux suspects interpellés dont un Camerounais et un asiatique, les autorités administratives devraient pouvoir retracer le circuit de collecte et le démanteler. Mais quelle n’a été la surprise de constater qu’au lendemain, des machines à sous continuent de s’installer en plein air pour avaler les pièces en toute quiétude.
…ou complicité
Si le phénomène prospère finalement, c’est simplement parce que les sous-préfets laissent faire. Il faut le dire sans ambages, la responsabilité est entièrement celle de ces autorités administratives, qui ont la charge et la responsabilité non seulement d’interdire ces jeux d’argent en plein air dans la ville, mais aussi de faire enlever ces boites qui absorbent les pièces et même poursuivre les acteurs, qui tous opèrent dans l’illégalité. Personne ne peut croire en effet qu’un boutiquier ou un détenteur de kiosque a obtenu une autorisation pour installer des boites à sous dans un carrefour. La procédure telle que prévue par la loi numéro 2015/012 du 16 juillet 2015 fixant le régime des jeux de divertissement, d’argent et de hasard rend cela impossible. Et dans le contexte camerounais, si le phénomène prospère malgré les dégâts, on peut légitimement se poser la question de savoir à qui profite le crime économique ? Pourquoi laisse-ton faire ? Qui tire les ficelles dans l’ombre ? Doit-on mettre cela sur le compte du laxisme et de l’inertie dénoncée par le président de la République lui-même ?
Devoir de protection des sous-préfets
La monnaie est pourtant un bien économique, appartenant en priorité à l’Etat, qui se doit d’en assurer la protection. Et c’est ce rôle qui est confié au sous-préfet dans les arrondissements, qui sont les responsables administratifs au plus bas de l’échelle. Au niveau des institutions bancaires, les ingénieurs financiers, les économistes, les analystes et autres experts de la géostratégie économique s’efforcent chaque jour pour que la circulation de la monnaie satisfasse les besoins du marché. Mais au niveau local ceux qui ont la charge de protéger les biens économiques restent complaisants. Est-ce le banquier qui descendra donc dans la rue s’assurer que les pièces de monnaie qu’il a émises sont effectivement en train de faciliter les échanges, au lieu de servir plutôt aux jeux de hasard ?
L’article 52 du décret n° 2008/377 du 12 novembre 2008 fixant les attributions des chefs de circonscriptions administratives et portant organisation et fonctionnement de leurs services, précise : « Sous l’autorité directe du préfet, le sous-préfet est chargé du maintien de l’ordre, de l’exécution des lois, règlements et décisions du gouvernement.» Il est de coutume que chaque début de semaine, ces derniers tiennent des réunions de sécurité avec leurs hiérarchies, il est plus que temps que des ces réunions sortent désormais des mesures fortes pour mettre un terme à cette industrie de la consommation de la monnaie nationale, dont les instruments sont bien visibles à tous les carrefours de la ville. L’émergence de 2035, ce n’est pas avec les jeux de hasard qu’elle sera atteinte,
Roland TSAPI