L’autorité administrative est sous le feu des critiques après la disparition sans traces de 600 feuilles de tôles destinées à des projets communautaires. Les gardiens de la tradition dénoncent des manœuvres dilatoires et une tentative d’étouffer l’affaire.
Le 21 octobre 2025, une délégation de chefs traditionnels de l’arrondissement de Dimako a été reçue par le Préfet du Haut-Nyong, suite à une instruction du Ministre de l’Administration Territoriale. Objectif : examiner les griefs formulés contre le Sous-préfet de Dimako, mis en cause dans une affaire de détournement présumé des tôles. Mais loin d’apaiser la tension sociale, l’échange a renforcé le sentiment d’impunité et de partialité au sein de l’administration.
D’emblée, le Préfet aurait qualifié l’affaire de « politique », minimisant sa dimension criminelle. « Il a délibérément changé de sujet et imposé un silence sélectif, interdisant à certains d’entre nous de nous exprimer », rapporte un chef traditionnel présent à la réunion. La promesse initiale de confronter toutes les parties dans un délai de deux semaines a plutôt accouché d’une souris et semble aujourd’hui vide de sens. « Ce n’était qu’une manœuvre pour gagner du temps et laisser retomber l’indignation », déplore un notable. La situation s’est plus envenimée jeudi 12 novembre 2025, lors d’une nouvelle rencontre. Selon nos sources, le Préfet du Haut-Nyong a ouvertement et fermement défendu son collaborateur le Sous-préfet, ainsi que le chef du village Tahatte, au cœur du scandale. Il a d’ailleurs renvoyé les chefs traditionnels indignés, « s’entretenir entre frères », et lui faire un compte rendu le 28 novembre courant. Une manœuvre perçue comme une nouvelle tactique dilatoire qui plonge les populations de cet arrondissement dans la consternation et le désarroi.
Les faits à l’origine du scandale
D’après nos investigations, la société Sctb Fokou avait offert 5000 feuilles de tôles à la communauté de Dimako, pour soutenir des projets de développement. Si dix villages ont bien reçu leur part dans le partage de ce don, 600 tôles, réservées aux projets communautaires comme la réhabilitation des écoles et Centres de santé ont mystérieusement disparu sans laisser traces. Immédiatement, les soupçons se sont porté sur le chef du village Tahatte, chargé de la garde du stock. Malgré les alertes et dénonciations des autres chefs de villages environnants, le Sous-préfet de Dimako est accusé d’avoir ignoré les plaintes, serait allé jusqu’à ‹‹ interdire aux populations de revenir réclamer justice dans ses services ››.
Le pire dans cette affaire, selon le collectif des chefs traditionnels et notables qui se plaignent, l’actuel chef de terre serait intervenu auprès des enquêteurs de la Compagnie de gendarmerie d’Abong-Mbang pour ‹‹ obtenir un classement pur et simple du dossier ››. Saisie depuis 2024, la justice piétine, alimentant les craintes d’une protection du chef de village incriminé par les hautes sphères administratives. Conséquences : les projets communautaires suspendus à la résolution de cette affaire sont aujourd’hui au point mort, privant les populations de bénéficier des infrastructures communautaires de base. « Le comportement du Préfet n’est pas seulement une insulte à notre intelligence collective, c’est un signal dangereux qui encourage l’impunité », s’indigne un chef traditionnel.
Au-delà des 600 tôles disparues, c’est la confiance entre les populations et leurs administrateurs qui est brisée. Cette affaire est devenue emblématique des dysfonctionnements qui minent la décentralisation et la bonne gouvernance locale. Les regards sont désormais tournés vers le ministre de l’Administration Territoriale, dont l’instruction semble bafouée par son propre représentant. La communauté de Dimako attend un signe. La vérité et la justice prévaudront-elles ? Cette affaire rejoindra-t-elle le long catalogue des dossiers enterrés au Cameroun ?
Ange-Gabriel OLINGA BENG