Pour exorciser et pacifier le Cameroun, les gardiens de la tradition des dix régions, lancent une caravane à travers le triangle national pour interpeller les ancêtres.
«Nous allons appeler les ancêtres au secours du Cameroun.» Cette déclaration de Sa Majesté Dissake Mouangue Alain se veut lourde de sens. Chef de Bonamoukouri-Bonakouamouang (dans le canton Akwa à Douala), Sa Majesté Dissake Mouangue Alain est on ne peut plus sérieux quand il parle du devoir des gardiens de la tradition, dans la résolution des problèmes que traverse le Cameroun. Point focal dans la région du Littoral, de la «Caravane des autorités traditionnelles et coutumières pour la paix et le vivre-ensemble», l’autorité se prépare à accueillir ce weekend, la première étape de l’initiative baptisée «Appel de Batchenga».
Devant la presse le 31 juillet au Palais Dika Akwa, il est revenu sur le prétexte à la base de l’initiative. On apprend qu’elle a été lancée le 22 juin 2019 à la chefferie de Batchenga, où étaient présents les dignitaires traditionnels, convoqués par le Conseil panafricain des autorités traditionnelles et coutumières. «Si le leitmotiv est que le sang des Camerounais doit cesser de couler, il sied de relever que l’observation donne à voir une société en lambeau et déchiquetée. Le Cameroun, notre cher et beau pays fait l’objet, depuis quelques années, d’un théâtre inhabituel : attaques terroristes, tribalisme, péril sur le vivre-ensemble, ignominie des hommes politiques de tout bord, exode forcé des populations…»
Courroux des ancêtres
Face à ce constat, le commandement traditionnel a décidé de taire le silence, et de convoquer les ancêtres. «Il a été décidé d’effectuer la caravane sur l’étendue du territoire afin de juguler les crises. S’agissant du Littoral, il sera procédé sur les berges du Wouri, par tous les gardiens de la tradition de la région, des rites de purifications. Il s’agit de conjurer le sort qui pèse actuellement sur notre pays, de la mise ensemble des connaissances et savoir-faire africains de toutes les aires cosmo-sociologiques pour résorber la léthargie actuelle», explique le point focal. Après les travaux et la veillée préparatoire à la communion du samedi 3 août 2019, la journée du 4 août mettra fin à l’étape du Littoral, avec au passage la grande parade des autorités traditionnelles et le rituel de consécration, entre autres.
A la question des médias de savoir pourquoi cette initiative n’arrive que maintenant, «les chefs n’ont pas vocation à trop parler ou à se précipiter pour parler. Les chefs regardent, écoutent et interviennent en dernière position. Nous ne faisons pas du folklore. Nous comptons sur notre spiritualité. Nous savons qu’en tant qu’Africains, nos enfants vont écouter notre voix, qui est celle des ancêtres, de la spiritualité», répond Sa Majesté Dissake Mouangue Alain. Et de marteler que l’action des chefs traditionnels est apolitique, «elle se situe au-dessus de toutes les chapelles politiques, ethniques, religieuses et autres considérations de tout ordre».
Pour le groupe de contact de la Caravane des chefs traditionnels pour la paix au Cameroun : «Quelle que soit votre posture politique, nous vous considérons comme nos enfants, les enfants de la tradition africaine. Vous pouvez vous opposer les uns aux autres sur les idées. Mais vous ne pouvez pas vous opposer à votre pays et à votre peuple qui en a assez. Revenez à la raison. Parlez-vous ? N’attirez pas sur vous le courroux de nos ancêtres et la foudre de Dieu. En tant que gardiens de la tradition, nous disons malheur à celui à cause de qui, le sang coulera de nouveau. Notre sol ne doit pas se nourrir du sang de ses enfants. Les conséquences seraient spirituellement et physiquement catastrophiques pour le pays, pour nous et pour les générations futures.»
Valgadine TONGA