Cette première marque de parfum made in Cameroun souffle à peine sur sa première bougie, que ses senteurs s’arrachent en boutique.
Le monde connait Coco Chanel, Yves Saint Laurent, Dior… Il faudra désormais compter avec la marque Paule Gaby, de Sir Tout à Dieu Kwekam. Le Cameroun enregistre grâce à lui, sa première marque de parfum, avec la gamme «Bantou». Les parfums captivent l’attention dans les présentoirs de quelques supermarchés locaux. Il n’a pas encore un an d’âge, mais les commentaires des consommateurs se conjuguent au superlatif absolu. La foire dénommée Dégustation vente qu’a vécue Bonapriso à Douala, le samedi 27 octobre 2018, a redonné des notes à la gamme Bantou.
A côté des produits alimentaires, cosmétiques made in Cameroun, le stand des fragrances Paule Gaby n’a cessé d’aimanter les visiteurs. «Hum ! C’est bon. Waouh ! C’est vraiment camerounais ?» S’interroge une dame en distillant quelques effusions d’eau de parfum sur son poignet. De tels commentaires, le créateur de Paule Gaby commence à s’y faire. La Foire internationale des affaires et du commerce de Douala –Fiac-, a été un baptême de feu pour les senteurs Bantou. C’était «plus qu’une Coupe d’Afrique gagnée. Pendant la Fiac, je peux affirmer que j’ai eu le stand le plus visité. J’étais tout le temps submergé par la curiosité des Camerounais parce que dès le visuel, on lisait Bantou et ils voulaient savoir ce que c’est. Et quand ils s’approchaient et humaient les senteurs, ils étaient agréablement surpris. A longueur de journée, je répondais aux questions du public et des médias.»
Ces épices des grands parfumeurs
Des senteurs il y en a, et de qualité. «La particularité de nos parfums est qu’ils puisent leurs essences dans notre nature. Un peu partout en Afrique nous sélectionnons rigoureusement des ingrédients que nous faisons extraire dans les meilleurs laboratoires des partenaires. Malheureusement nous n’avons pas toutes les infrastructures sur place pour les extraire. Nous sollicitons la collaboration de deux laboratoires, sud-africain et français pour les extractions, puis la base parfumée nous revient au Cameroun. Nous la masserons, nous congelons, nous filtrons, bref nous faisons le reste du processus ici. La particularité c’est que ce sont des essences, des plantes, des épices, des fleurs, des fruits. C’est la sélection de ces ingrédients là qui donne une note particulière. Et dans la composition de nos parfums, on essaie toujours de ressortir ces ingrédients en note de fond pour ne pas utiliser trop de synthétiques.»
Son sens de la recherche lui vient depuis. Il est d’ailleurs à la base de cette première marque de parfums camerounais. Le parfumeur nous confie : «J’ai été toujours passionné par tout ce que la nature nous procure, la forêt, la faune, la flore. A force d’explorer, de comprendre le pourquoi et le comment des choses, je me suis rendu compte que tout ce qui produisait des senteurs, des parfums venait de la nature. Vous voyez, dans nos cuisines, nos mamans concoctaient des mets traditionnels comme le «Nkui » et le parfum très délicieux de ce mets restait longtemps sur nos mains. Avec le temps, à force des recherches, je me suis rendu compte que ces épices étaient utilisées dans la parfumerie, très prisées et convoitées par les grands parfumeurs dans le monde entier. Ça a poussé ma curiosité et j’ai engagé une carrière de chercheur dans le domaine des parfums, dès 1995 jusqu’aux années 2000 où j’ai commencé mes petits voyages.» Il se lance résolument dans le parfum en 2015.
Aujourd’hui, on a des senteurs conditionnées dans des packagings dignes des grands parfums au monde. Pas agressif pour la peau, et à toutes les bourses, rassure-t-il. Il y en a pour 1000 Fcfa, 2000Fcfa, 45.000 en fonction du volume, du packaging notamment. «A la Fiac, j’ai compris le besoin des Camerounais. Ils m’ont dit qu’ils veulent des parfums mais ils n’ont pas d’argent. Il fallait changer les mentalités, démystifier le parfum. Raison pour laquelle aujourd’hui, j’ai mis sur le pied des miniatures. Ce sont toujours des eaux de parfums hautement concentrées et de très bonne qualité, mais à des prix abordables. Vous avez des miniatures de 10ml à 1000Fcfa, 15ml à 2000 Fcfa dans un beau packaging.» Si vous êtes friands de plus d’un arôme sur le corps, tout a été pensé. «Chacun peut se créer son propre nuage en associant les différentes fragrances sans crainte. Nous avons fabriqué nos fragrances avec les mêmes pyramides.»
Pourquoi Paule Gaby ? Que symbolise Bantou ? Des questions qui reviennent sans cesse. Pour faire simple, «j’ai baptisé Paule Gaby, en hommage à ma maman partie trop tôt. Elle s’appelait Pauline. Gaby c’est pour ma dernière fille Paule Gabrielle. J’ai pensé ensuite qu’il fallait une marque qui unit tous les Africains, un nom qui pouvait regrouper et rappeler les valeurs de l’Afrique. C’est pourquoi j’ai baptisé les premiers parfums « Bantou ». Aujourd’hui, la gamme continue avec les essences Bantou. Un peuple qui a tant souffert, qui a partagé la même histoire, qui a les mêmes identités culturelles, c’est un peuple qui peut partager également le même parfum. On peut vous identifier à partir de votre parfum et il faudrait désormais qu’à votre passage, on dise que vous sentez du Bantou.» Si les fragrances Bantou tardent à prendre large dans les pays africains, les commandes affluent du côté de l’Europe. Offrir des senteurs Bantou, comme l’indique le parfumeur, c’est signe de «générosité. On est généreux en Afrique. On aime se sentir ensemble.»
Valgadine TONGA