Sans surprise tous les recours ont été rejetés par le Conseil Constitutionnel.
Rejets
Rejetée, pour moyens non fondés. C’est le sort réservé finalement à la requête en annulations des élections du 7 octobre 2018, introduite par les candidats Maurice Kamto et Joshua Osih Nambangui. La dernière décision est tombée tôt ce 19 octobre à 2h10 minutes concernant la requête de Osih Joshua, l’avant dernière ayant été donnée la veille un peu après 18h. Cette journée du 18 était consacrée essentiellement à l’examen de la requête du candidat du Sdf. Dans la matinée, les Camerounais avaient été privés de la retransmission en direct à la télévision nationale comme cela avait été le cas avant, le Conseil Constitutionnel ayant estimé que les débats, qui sont publics d’après l’article 64 de la loi du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement de cette instance, devaient se faire à huis clos. C’est après protestation du candidat Osih que tout est retourné à la normale, le public admis dans la salle et la retransmission reprise. Incident que ne manqueront pas de relever les avocats du recourant, en soulignant que leur client avait été l’objet d’une discrimination.
Irrégularités criardes
Pour la requête elle-même, elle portait sur l’annulation totale de l’élection, du fait que les populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest aient été privées de leur droit de vote, droit pourtant garanti par la Constitution et les traités internationaux ratifiés et signés par le Cameroun. En plus de cela, deux personnalités importantes de la République avaient voté ailleurs que dans leurs bureaux de vote en violation du Code électoral, donnant ainsi l’exemple des votes irréguliers décriés. Ces griefs et bien d’autres ont été lus dès l’ouverture de l’audience par un Conseiller rapporteur, qui a proposé comme projet de solution le rejet complet de ces recours. Ce dont le collège des avocats du candidat conduit par Maître Nsama n’étaient pas d’accord, et a tenu à le démontrer au cours de l’audience.
Dans le détail, on apprendra de maitre Mustapha Ngwana qu’il était impossible de voter librement dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest. Les preuves sont rapportées par une requête introduite par le Premier ministre auprès d’Elecam en date du 1er octobre 2018, demandant que l’instance lui permette de voter à Bamenda, en raison de la situation sécuritaire qui ne lui permettait pas d’aller voter dans son village à Oku où il est régulièrement inscrit. Cette requête concernait aussi 182 autres personnalités qui ne pouvaient pas voter dans leurs villages respectifs pour des mêmes raisons. Et l’avocat de demander que si le Premier ministre de la République, qui bénéficie de toute la protection que lui confère son rang est incapable d’aller voter dans son village en toute sécurité, qu’en serait-il du commun des mortels ?
Pire encore, toujours d’après l’avocat, la requête du Premier ministre et des 183 autres a été rejetée le 4 octobre, mais l’on ne sait par quelle alchimie ils ont quand même réussi à voter ailleurs. L’avocat révèle aussi que ce sont les militaires qui ont voté un peu partout dans les zones où on prétend que les populations ont voté. L’exemple est donné pour le village Bamusso où d’après le rapport de la commission départementale du Ndian, 78 militaires sont arrivés dans un bureau de vote où on les obligeait à voter. Ils ont effectivement voté mais par la suite ils ont retiré tous ces bulletins de l’urne, les ont déchiré et jeté dans le sac à rebus en signe de protestation.
Préserver l’unité
Bref, des preuves et d’autres ont été fournies à l’audience démontrant que les populations des deux zones anglophones ont été privées de leur droit de vote, ce qui a entrainé une non-participation massive, que l’avocat différencie de l’abstention volontaire comme l’avaient expliqué Elecam et le Rdpc lors des audiences précédentes. Tout le collège des avocats s’appuieront donc sur ces faits pour demander au président du Conseil de ne pas valider un tel scrutin, car le faire serait d’abord consacrer la victoire des sécessionnistes, ensuite donner raison aux populations anglophones qui estiment être traitées comme des populations de seconde zone, enfin consacrer la partition du pays. Dans son plaidoyer final, le candidat lui-même reviendra sur ces différents cas de fraudes et d’irrégularités, pour attirer l’attention du Conseil Constitutionnel sur les conséquences politiques qu’ils peuvent entrainer si cette élection était validée en l’Etat.
La coalition Rdpc-Elecam-Minat
Les autres partis au procès que sont le ministère de l’Administration territoriale, Elections Cameroun et le Rassemblement démocratique du peuple camerounais sont par la suite venues à la barre, pour se montrer entièrement solidaires du projet de solution proposé par le Conseiller rapporteur, à savoir le rejet pure et simple de cette requête. Tour à tour ils ont démontré que l’élection s’est bien déroulée dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, que le Premier ministre qui a voté à Bamenda alors qu’il était inscrit à Oku et le président du Sénat qui a voté à Paris alors qu’il est inscrit à Bangangté, ont bénéficié du transfèrement de leur inscription, ce qui est le droit de chaque électeur qui peut décider de voter où il veut à tout moment.
Et le ministre Grégoire Owona de rappeler que la non-participation massive ne constitue aucun problème, car même des grandes démocraties ont eu des président élus par 15% d’électeurs. Il était minuit 42 minutes quand le président du Conseil constitutionnel Clément Atangana a suspendu la séance pour le délibéré. Et reviendra une heure plus tard pour dire ce qui avait déjà dit précédemment pour d’autres cas : rejeté.
Ainsi s’est achevé le feuilleton du contentieux électoral. La prochaine étape de cette élection aux particularités multiples est la proclamation des résultats, qui va intervenir en principe lundi prochain, nous serons le 22 octobre.
Roland TSAPI
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