Un carnage est survenu le 14 juillet 2017 à la compagnie de gendarmerie. Un gendarme a mortellement retourné son arme contre trois de ses collègues et une civile. D’après le gouverneur de la région de l’Extrême-Nord, Midjiyawa Bakary, qui a donné un point de presse dans la soirée du 14 juillet, seul le gendarme Moulioum a survécu à ce carnage.

Il s’en est tiré avec une blessure grave et subit des soins intensifs dans une formation hospitalière appropriée. Ce drame d’un pandore, qui continue de défrayer la chronique, incline, au moins, à sonder les mobiles éventuels d’un comportement crapuleux.
Sous réserve des résultats des enquêtes des fins limiers de la gendarmerie nationale dans les tout prochains jours, qui s’échinent à en déterminer la cause efficiente et efficace de ce carnage, les premiers indicateurs de ce fait social macabre et odieux font état d’un crime « passionnel » commis par Jude Woumessi. En effet, selon des sources concordantes relayées dans la chronique de cette actualité mortifère, ce jeune gendarme a commis cette boucherie humaine parce qu’il accusait le capitaine commandant de compagnie de son vivant d’entretenir une relation idyllique avec sa compagne. Toute chose l’ayant incité à abattre son chef dans son bureau avant d’aller tirer à bout portant sur trois femmes dont deux gendarmettes en poste au secrétariat du commandant de compagnie. La 3ème dame qui s’échinait à la préparation des repas pour les éléments de la compagnie a été, dans la même veine, assassinée sur le champ.
La gâchette facile contre des populations civiles
Le deuxième mobile avancé de ce carnage, en termes de conjecture, pour comprendre l’atrocité de cet acte est lié à l’argument de la vengeance illustré comme déterminant éventuel dudit crime. D’après certains témoignages recueillis à Kousseri, le forcené aurait dit avoir raté son avancement normal à cause du commandant Ondoa, qui aurait rédigé un rapport défavorable sur le concerné pour une histoire de maladie. Tout acte que le gendarme considère comme une injustice. D’où l’option pour la vengeance assortie de la monstruosité du comportement. Le drame de Kousseri n’est pas un fait marginal dans la société camerounaise contemporaine. Ceci nous rappelle, la litanie des faits non pas exhaustive, un autre cas enregistré le 23 novembre 2015 à Mbalmayo dans le département du Nyong-et-So’o (région du Centre). Ce jour-là, le maréchal de logis, Aimé Valerie Mbozo’o, avait tiré un coup de feu sur son supérieur hiérarchique, le maréchal de logis chef, Christophe Nsangou, avant de se donner la mort. D’après les indiscrétions relayées sur ces entrefaites, l’auteur du drame aurait appris que son collègue et lui avaient jeté le dévolu sur la même femme si bien que le colérique a succombé au pire, en optant pour un acte fataliste d’un tel acabit.
De plus en plus, des éléments incontrôlables de l’armée camerounaise multiplient des cas de crime, qui restent parfois impunis et des exactions diverses contre des civils désarmés. Ces derniers mois, les éléments du Bataillon d’intervention rapide (Bir) présentés comme par des spécialistes comme une unité d’élite et à qui l’on impute la majorité des succès militaires sur le front de guerre contre les assaillants de la secte islamiste et terroriste de Boko Haram, ont la gâchette facile contre des populations civiles qu’ils doivent pourtant protéger quand ils ne tirent pas dessus entre frères d’armes. Lorsque des hommes en tenue ne tuent pas, ils sont accusés d’agressions contre des civils, de braquages de domiciles, de commerces ou de banques, d’arnaques et d’extorsion de fonds. Eu égard à ces forfaits, l’on se questionne, entre autres, sur les trajectoires d’insertion socioprofessionnelle des hommes en tenue, sur leur suivi psychosocial et psychiatrique, ainsi que sur l’architecture cognitive qui leur est dispensée au cours de leur formation. La révision des circuits de socialisation des agents de la grande muette se pose donc avec acuité pour l’éclosion d’un nouveau type idéal des hommes en tenue dénués, cette fois-ci, de tout caractère bestial, inhumain et immonde. Espérons que l’élite oligarchique de l’armée camerounaise parviendra, un jour, à cet aggiornamento!
Serge Aimé Bikoi, Journaliste et Sociologue du développement.