La course s’est achevée pour l’équipe fanion de football du Cameroun le samedi 6juillet 2019, comme pour beaucoup d’autres équipes d’ailleurs, en ce qui concerne la 32eme édition de la finale de la Coupe d’Afrique des nations de football. Au moment où l’arbitre levait la main pour donner les trois coups de sifflets marquant la fin du match entre les Lions Indomptables et les Super Eagles du Nigeria ce soir-là au stade d’Alexandrie, l’équipe était déjà l’objet de tous les traitements et insultes de la part des téléspectateurs depuis le 3eme but du Nigeria.
Le coupable trouvé
Comme ces téléspectateurs, les Camerounais de tout âge et de toute obédience politique espéraient bien une victoire synonyme de qualification pour les ¼ de finale. Mais le résultat de 3 buts à 2 en faveur du Nigéria en a décidé autrement, donnant l’occasion aux uns et aux autres de chercher tout de suite les coupables. Pour certains c’est l’entraineur Clarence Seedorf qui n’a pas eu la bonne vision tactique, pour d’autres ce sont les joueurs qui n’étaient pas à la hauteur. Ailleurs, c’est le capitaine Eric-Maxim Choupo Moting qui n’avait pas le charisme nécessaire, c’est le gardien de but qui n’était pas à sa place et biens d’autres accusations qui fusent. Pourtant ces joueurs ont montré qu’ils avaient du cran. Pendant que les autres nations prenaient toutes les mesures pour créer des conditions optimales de travail pour les joueurs et en espérer une rentabilité, les Lions étaient stressés au quotidien par une gestion tatillonne aux relents de préservation des intérêts personnels des uns et des autres. Il est vrai que même les lions de l’Atlas, l’équipe marocaine a été éliminée au même stade malgré sa bonne préparation, mais comparaison n’est pas raison.
Les vrais coupables
Les Lions ont été stressés jusqu’à la dernière minute pour une affaire de primes, comme si c’est à ce moment que les gestionnaires du football se rendaient compte que c’était un détail à régler bien avant. Pourtant tous ceux qui gravitent autour de l’équipe et qui ne ratent aucune occasion pour se remplir les poches s’étaient déjà assurés que leurs intérêts étaient saufs dans l’affaire. Les hôtels avaient été réservés pour les divers membres de la délégation dont l’opportunité de la présence auprès des joueurs reste à questionner, les frais de missions des uns et des autres étaient arrêtés et mis en sécurité. Mais pour les acteurs principaux de la Coupe, il fallait qu’ils fassent preuve de patriotisme. Patriotisme style renouveau qui voudrait que d’aucuns se gardent de revendiquer ce dont ils ont droit, alors que les autres ne passent pas par quatre chemins pour s’octroyer des avantages indus. Alors qu’il y a des fonctionnaires, même à qui le président Paul Biya a donné un titre de ministre, qui ne peuvent sortir de leurs bureaux pour visiter un chantier de la Can à 15 kilomètres de là sans imputer cela à la charge de l’Etat. Alors que pour le contrôle des travaux des grands chantiers on achète des voitures neuves au-delà de 50 de millions, comme si ces fonctionnaires qui y vont faire des parades ne roulaient pas déjà dans des voitures de l’Etat.
Sauver le drapeau
Les Lions malgré ces tortures psychologiques, ont finalement accepté d’aller à la Can, en prenant le peuple camerounais à témoin par une lettre dans laquelle ils disaient ne plus parler de primes. Et en valeureux soldats ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Ils ont brillamment traversé le cap des 16eme de finale en peloton de tête de leur poule, qui regorgeait pourtant des équipes non négligeables comme le Ghana et le Benin. Ce Benin qui, en éliminant le Maroc en 8eme de finale, rappelle par ses performances jusqu’ici que ce n’est pas le nom ni le palmarès qui jouent désormais au football.
Les performances ne s’improvisent plus, elles sont le résultat d’une préparation méticuleuse, avec un accent particulier sur la préparation psychologique, qui contrairement à la conception camerounaise où on remplit la tanière des sorciers, consiste à éliminer en l’acteur tous les éléments de frustration possible, y compris les disputes autour de ce qui apparait comme un droit. Les Lions indomptables, dans ces conditions, ont plutôt réalisé une prouesse, et les hypocrites qui s’attendaient à ce que la chance soit encore de leur côté comme ce fut le cas en 2017 au Gabon, pour se bomber le torse et justifier le siphonage des fonds publics, au lieu de voir ces prouesses, vont chercher la petite bête partout.
La leçon à tirer
L’on ne doit plus se tromper en croyant duper les autres. La Can telle qu’elle se déroule en Egypte n’est que la phase finale de la compétition comme son nom le rappelle, cela veut dire que les autres phases se sont jouées bien avant. Et pas seulement dans les stades pour les tours éliminatoires, mais surtout dans les fédérations, les bureaux, au niveau des prévisions financières et toutes autres précautions préalables à prendre que les spécialistes du sport expliqueront mieux. La performance actuelle des Lions indomptables est simplement preuve que la jeunesse peut faire mieux, et ne demande que le minimum d’encouragement pour prouver de quoi elle est capable. Un adage dit que quand vous perdez, ne perdez pas la leçon. En attendant une hypothétique introspection de toutes les classes politique et sportive qui décide du football camerounais, en espérant qu’elles mettent désormais en avant l’intérêt du sport en général et du football en particulier, il est tout à fait juste de dire à ce stade… Bravo le Lions.
Roland TSAPI