Entre les résultats sévères d’un test ADN et l’ignorance à vie de la vérité, les avis s’entrechoquent.
L’acide désoxyribonucléique (Adn) est le support du matériel génétique propre à chaque individu. Ce matériel est transmis par le père et la mère, et organisé suivant un séquençage précis. De nombreuses maladies sont d’origine génétique. Au cours des années 40, la science découvre que les molécules d’Adn sont transmises de génération en génération dans une famille. En 1953, le généticien américain James Watson et le physicien britannique Francis Crick ont élucidé la structure chimique de cette molécule comme une échelle tordue (un hélix) composée de deux brins. L’Adn se trouve dans toutes les cellules de notre corps. Les brins d’Adn contiennent des informations sous forme de code, ce qui ensuite détermine nos traits individuels et nos caractéristiques.
La réalisation de tests Adn est réservée à des fins médicales, judiciaires ou scientifiques. A cet effet, les tests Adn sont réalisés pour établir un diagnostic prénatal en cours de grossesse ; déterminer la maternité ou la paternité d’un individu ; effectuer un test préventif avant de concevoir un enfant (afin d’éviter de transmettre une maladie héréditaire) ; détecter une maladie génétique héréditaire chez un nouveau-né (test néonatal), un enfant ou un adulte ; évaluer les risques de développer une maladie connue ; estimer le risque chez un patient dont un proche présente des prédispositions génétiques à développer une maladie ou si des antécédents familiaux sont connus (maladie de Huntington) ; identifier un suspect, dans un cadre médico-légal. L’importance des tests d’Adn n’est donc pas à démontrer. Ça ne serait donc être un effet de mode comme cela semble le cas au Cameroun
En effet, depuis quelques temps, les tests Adn sont de plus en plus vogue au Cameroun. Ce n’était pas le cas il y a encore une décennie. Bien que ce test ne soit pas effectué au pays, de nombreux parents camerounais doute de leur progéniture et font de plus en plus recours à cette analyse médicale pratiquée en Europe, (France, Grande Bretagne Etats-Unis etc) pour confirmer ou infirmer leur paternité. Le test de paternité par analyse d’Adn consiste à analyser l’Adn de deux personnes, en l’occurrence un enfant et un père présumé dans le but d’établir un lien de parenté génétique entre eux. C’est-à-dire confirmer que le père présumé est bien le père biologique de l’enfant.
D’après certaines études, dans environ 01 cas sur 30, le père déclaré ne serait pas le père biologique.
Mais selon certains camerounais interrogés, cette pratique va à l’encontre des traditions africaines. « Pour moi, un homme normal ne devrait pas aller dans un hôpital pour faire pratiquer un test d’Adn sur son enfant. Comme disait un écrivain, un enfant est un enfant. L’enfant appartient à tout le monde. Lorsqu’on regarde de près, la plupart de nos parents sont entretenus par des enfants dont ils ne sont pas des géniteurs. Je viens d’une famille où mon grand-père avait cinq à dix femmes. Lorsqu’il voyait quelqu’un au village qui était fort physiquement, il envoyait lui-même, une de ses femmes faire un enfant avec cet homme, afin que cet enfant soit aussi fort que ce dernier et qu’il soit dans la famille. Dans les pays comme le Danemark, il y a des hommes qui payent de l’argent pour que leur femme soit fécondée par les spermes déposés dans les laboratoires. Par exemple, le sperme des enfants surdoués, savants, étaient prélevés pour être déposés dans les laboratoires. Les couples allaient acheter ce sperme pour avoir des enfants doués. Ils payaient chers. Donc pour moi, le test d’Adn n’a pas de place. Mon avis est que, tous les enfants, que vous soyez le géniteur ou pas, vous appartiennent. Au Cameroun la loi est claire là-dessus, sur la présomption de paternité. Lorsque vous êtes en couple, tous les enfants qui naîtront pendant votre mariage, qu’ils soient de toi ou pas, t’appartiennent », tranche Arsène, un usager à Douala. A en croire ce dernier, le test d’Adn serait une véritable menace pour la stabilité des familles. Mandela pense autrement : « Tout homme a le droit de savoir qu’il a un enfant quelque part, et tout enfant a le droit de connaître son père biologique. Si une femme mariée a eu un enfant adultérin, elle doit souffrir de dire la vérité à son mari et à l’auteur de la grossesse. Ce sont les cachotteries qui sont responsables des mariages entre frères et sœurs. Parce que tôt ou tard, la vérité va éclater ».
Selon l’article 312 du code civil camerounais sur la filiation des enfants légitimes ou nés dans le mariage « l’enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari de la femme». L’article 313 dispose que « le mari ne pourra, en alléguant son impuissance naturelle, désavouer l’enfant : il ne pourra le désavouer même pour cause d’adultère, à moins que la naissance ne lui ait été cachée, auquel cas il sera admis à proposer tous les faits propres à justifier qu’il n’en est pas le père. En cas de jugement ou même de demande soit de divorce, soit de séparation de corps, le mari peut désavouer l’enfant né trois cents jours après l’ordonnance prévue aux articles 236 du présent Code et 878 du Code de procédure civile, et moins de cent quatre-vingts jours depuis le rejet définitif de la demande ou depuis la réconciliation. La présomption de paternité établie par l’article précédent ne s’applique pas à cet enfant, même en l’absence de désaveu, s’il a été légitimé par un nouveau mariage de sa mère, conformément aux dispositions de l’article 331, et son acte de naissance peut être rectifié sur ce point, s’il y a lieu, conformément aux dispositions de l’article 99 du présent code et de l’article 855 du Code de procédure civile. L’action en désaveu n’est pas admise s’il y a eu réunion de fait entre les époux.»
Simon DUPONG
