Dans le cœur vibrant de Douala 3e, la ANLU Bibliothèque s’élève comme un acte de survie culturelle et s’impose comme la matrice de la conscience, où les mots, les récits et les racines deviennent les tremplins d’un avenir reconquis.
Fruit d’une volonté éclairée et l’urgence contemporaine, la Bibliothèque ANLU s’est donnée pour mission d’ancrer la jeunesse camerounaise dans un récit qui lui ressemble. Ici, le livre est plus qu’un outil : il est « complice de l’âme », révélateur d’histoires étouffées et catalyseur d’un imaginaire résolument africain. Pensée pour éveiller les esprits jeunes aux richesses du Cameroun et de l’Afrique plurielle, la bibliothèque offre une immersion dans les savoirs, les cultures et les héritages. Loin des modèles désincarnés, elle redonne au savoir sa fonction première : « nourrir le vivant », selon l’expression chère aux sages de la tradition.
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Au cœur de l’institution, une programmation vivante et plurielle : rencontres, lectures, débats, ateliers de création, mais surtout, un projet phare : Sur les traces de notre histoire. D’avril à juin 2025, ce programme ambitieux convie les jeunes de Douala 3ème à un voyage introspectif et communautaire. Trois ateliers gratuits et ouverts selon les tranches d’âges interrogent l’histoire familiale, les dynamiques de quartier et les figures de l’histoire nationale. Ainsi, des enfants de 8 à 14 ans, parfois scolarisés, parfois non, s’initient à la recherche généalogique, à la collecte de mémoire orale, à l’analyse des mutations sociales. Une exposition publique prévue le 21 juin 2025 couronnera ces travaux, révélant au grand jour le regard que la jeunesse pose sur ses propres racines.
La Bibliothèque ANLU se distingue également par la richesse et la cohérence de son fond. Elle propose une vaste sélection d’ouvrages africains : romans, essais, contes, pièces de théâtre, traités de philosophie, livres de cuisine, d’économie ou d’anthropologie. À cela s’ajoutent des bandes dessinées, des puzzles éducatifs, des manuels scolaires pour élèves en classes d’examen, et des ressources en droit et en justice. Cette pluralité ne répond pas à une simple logique encyclopédique, mais s’inscrit dans une volonté de faire dialoguer les disciplines, les époques et les formes, dans une approche décoloniale du savoir.
Une vision éducative enracinée
« Le projet Sur les traces de notre histoire est un retour vers soi, un ancrage. L’enfant apprend pourquoi sa famille vit ici et pas ailleurs. « Ce questionnement structure son rapport au monde et à son avenir », confie Hobskur Le Petit Soldat, rappeur et gardien du temple de la bibliothèque. Car l’initiative va bien au-delà de la seule animation pédagogique. Elle interroge aussi les finalités de l’école. Chaque mois, un film est projeté, suivi d’un débat public. Le 18 avril, une question brûlante a animé les échanges : Étudier pour chômer ? Autour de la table : jeunes, parents, enseignants, historiens. Ensemble, ils ont remis en cause des curricula jugés obsolètes, réclamé des orientations plus pertinentes, souligné l’écart entre les formations et le marché du travail.
Cri d’espoir pour une jeunesse consciente
« Formez-vous, armez-vous de sciences jusqu’aux dents (…) et arrachez votre patrimoine culturel », clamait Cheikh Anta Diop. Ces paroles fondatrices irriguent le projet ANLU, qui se veut un levier de transmission, d’éveil et d’émancipation. « Il faut apprendre à l’enfant à être d’abord et avant tout un être social », rappelait Thomas Sankara. Ainsi, la bibliothèque s’adresse prioritairement aux enfants de 10-21 ans, scolarisés ou non, et se veut un lieu de citoyenneté partagée. Elle appelle les parents à s’engager, à peser dans les APEE, à contester ce qui doit l’être dans les politiques éducatives. Car, ici, l’école ne doit pas seulement former des têtes, mais forger des êtres.
À Douala 3e, la Bibliothèque ANLU n’est pas un décor. C’est un acteur. Elle agit, interroge, transmet. Toutes ses activités sont gratuites, les inscriptions se font sur place. Et comme le dit Hobskur : « Anlu n’est pas qu’un lieu. C’est un esprit. Une manière de redonner à la jeunesse les clés de l’avenir, forgées dans les braises de la mémoire. »
Cheikh Malcolm Radykhal Epanda