Le village de Mbeth 2, dans l’Est Cameroun, a été frappé le 7 décembre 2025 par une intoxication alimentaire ayant coûté la vie à cinq enfants et 18 personnes hospitalisées. Ce drame relance le débat sur les failles du système de sécurité alimentaire au Cameroun, entre absence de contrôle, faible application des normes et manque de sensibilisation des populations.
Le dimanche 7 décembre 2025 restera gravé dans la mémoire des habitants du village Mbeth 2, arrondissement de Diang, région de l’Est. Vers 11h, un repas partagé dans un contexte familial vire au cauchemar : cinq enfants âgés de 13 mois à 6 ans, meurent après avoir consommé un plat local de couscous maïs et de mbòl. Dix-huit autres personnes, dont la femme qui a fait le repas, sont hospitalisées d’urgence au CMCI Bonis. Une tragédie de plus qui pose une question douloureuse mais essentielle : comment un aliment courant peut-il devenir mortel au sein d’une communauté ?
Malgré les dispositifs réglementaires en vigueur, notamment la norme ISO 22000 sur la sécurité des denrées alimentaires et les principes HACCP (Hazard Analysis and Critical Control Points), la mise en œuvre reste largement théorique dans de nombreuses zones rurales et même urbaines. La traçabilité des matières premières, le contrôle des conditions d’hygiène lors de la préparation et la formation des acteurs aux bonnes pratiques d’hygiène (BPH) sont souvent absents ou ignorés.
Lire aussi : Pauvreté : le Cameroun testé positif à la vie chère
Une responsabilité partagée
L’administration, bien que dotée d’un cadre légal – notamment la loi n°2016/014 du 14 décembre 2016 régissant la sécurité sanitaire des aliments – peine à assurer une présence effective sur le terrain. Les services départementaux de contrôle vétérinaire, phytosanitaire ou d’hygiène souffrent d’un manque de personnel, de moyens logistiques et d’une coordination intersectorielle quasi inexistante.
Le défi de la sensibilisation
Dans les foyers, marchés et petits établissements de restauration, la culture de la sécurité alimentaire reste faible. L’exemple de Mbeth 2 illustre le manque de formation des ménages sur les risques liés à la mauvaise conservation des aliments, à la contamination croisée ou à l’usage d’ingrédients avariés. Un plat familier peut devenir un vecteur de mort en l’absence de gestes simples : lavage des mains, désinfection des ustensiles, contrôle de la chaîne du froid, etc.
Il est urgent de passer d’un modèle réactif à une approche préventive. Cela passe par le renforcement du contrôle sanitaire local avec des agents formés et déployés sur le terrain; l’intégration systématique des programmes de formation en hygiène dans les écoles, les marchés et les lieux de transformation ; la mise en place de campagnes nationales sur les bonnes pratiques HACCP adaptées au contexte camerounais. Ce drame, aussi douloureux soit-il, devrait être un signal d’alarme pour les autorités et la société civile. La sécurité alimentaire ne peut être un luxe réservé aux zones urbaines ou à certaines classes sociales. Elle doit devenir une priorité nationale, au même titre que l’éducation ou la santé. Car garantir à chaque citoyen un accès à des aliments sains, c’est préserver la vie – tout simplement.
Léonel AKOSSO






