Un arrêté du 17 mai 2021 signé du maire de la ville au sein de la Communauté Urbaine de Douala, porte création d’une Régie autonome foncière et Domaniale à la CUD.
Quel est le visage de ce ‘bébé’ inédit du maire Mbassa Ndine ? La Régie Foncière et Domaniale de Douala (RFD) a pour mission entre autres : la sécurisation du patrimoine foncier existant, la recherche et l’acquisition de nouveaux patrimoines ; le suivi des procédures légales en matière d’expropriation et d’indemnisation impliquant la Communauté urbaine de Douala (CUD) ; la densification du patrimoine immobilier de la CUD, l’inventaire des terrains cédés avant l’indépendance etc.
Vaste programme qui rappelle le challenge que le baron Haussmann, toutes proportions gardées, avait reçu sous Napoléon III, pour l’urbanisation de la ville de Paris. En effet, la cité étouffait sous le poids d’un développement anarchique et de l’insalubrité la plus totale, aggravée par l’exode rural qui avait doublé sa population en moins d’un siècle.
Grace à Hausmann, Paris est donc passé d’un état moyenâgeux à la modernité du siècle. On n’en est pas encore là pour Douala. Mais ce challenge qui consiste à la sécurisation du patrimoine foncier « existant », la recherche et l’acquisition de nouveaux patrimoines ; le suivi des procédures légales en matière d’expropriation et d’indemnisation impliquant la CUD ; la densification du patrimoine immobilier de la CUD…ressemblent à s’y méprendre aux 12 travaux d’hercule quand on sait que la capitale économique avec ses 26000 hectares de superficie, soit 265 millions de m2 et une population tutoyant les 4 millions d’habitants est une monstrueuse mégalopole qui s’étire dans tous les sens…
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On attribue à la CUD, depuis son érection en 1987 jusqu’à la suppression de la fonction de Délégué du Gouvernement en 2020, moins de 30 titres fonciers en propres en 43 ans d’existence du magistère de 7 Délégués du gouvernement successifs, jusqu’à Fritz Ntone Ntone, le dernier des mohicans parti après 14 ans à la tête CUD ! Même l’hôtel de ville n’a pas de titre foncier. Pour ne s’arrêter qu’à cette fourchette-là. Au total, braderies et spoliation foncière issues de ‘jongleries’ administrativo-fonciers du Domaine de l’Etat, Douala a été saigné à blanc.
Il en va ainsi de la zone en face du cimetière du bois des singes ; le lieu dit ‘Essengue’ qui au demeurant est dans le domaine portuaire ; le long de l’autoroute entre la piste de l’ancien aéroport et le carrefour du marché des fleurs ; le long de la vallée qui sépare le plateau Joss à Akwa etc.…On pourrait aussi évoquer les différents marchés de Douala, tous les terrains abritant les espaces verts, équipements publics et bâtiments occupés ou exploités par la Cud ! Faut-il se taire sur les entourloupes ayant entourées les domaines issus de la privatisation de l’ex-ONCPB, OCB, REGIFERCAM et autres dans une ville ou la mercuriale pointe à 1 millions le m2 à Bonanjo et 600 000 frs à Akwa selon certaines sources ?
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A quoi s’occupaient ils donc à l’hôtel de ville ? En dehors de ce bâtiment devenu désuet et peu fonctionnel pour le personnel, la Cud squatte des bureaux à travers les immeubles de la ville…malgré un bâtiment R8 dont la construction a commencé depuis le dernier délégué du gouvernement et n’a jamais été achevé au niveau de la voirie municipale…
« De son histoire multiforme, Douala a hérité un patrimoine riche et varié, à la fois matériel et immatériel. Seulement ce patrimoine est aujourd’hui en pleine décrépitude», peut-on lire sur ‘Calenda’, le portail internet de la Cud.
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Le Maire Mbassa Ndinè a du pain sur la planche. Une immense et urgente tâche historique de sauvegarde et d’inventaire de ce patrimoine considérable s’impose donc. Car, sa perte constituerait un dommage irréparable pour la mémoire collective des Camerounais. Or, à l’observation, force est de constater que la « bataille » du foncier et de l’architecture est en passe d’être perdue car nombre de pièces de ce patrimoine historique ont été détruits ou sont dans un état de dégradation très avancée. Les archives publiques et privées ont disparu et dans le cas où elles existent, elles sont dans un état de déliquescence avancée. Nous n’oublions pas le patrimoine immatériel qui subit chaque jour l’usure du temps et les attaques de la modernité.
Même si le colonel Etonde Ekoto s’y était essayé et s’est cassé les dents à son corps défendant dans un aspect urbain qui se voulait futuriste, par cette décision créant la RFD, le Maire Mbassa Ndinè a conscience de la nécessité de restaurer et de promouvoir la cité à travers son patrimoine historique, ses lieux de mémoire, son développement urbain et son capital foncier.
Au fil des années, la ville était devenue un vaste marché aux puces…immobilières. Victime du raid des prédateurs cadastraux en tous genres, la réserve foncière est aujourd’hui inexistante.
Pour l’équipe de Marcelin Ndoumbe, le tout nouveau Directeur Délégué de la Régie Autonome Foncière et Domaniale au sein de la CUD, le combat sera rude et les entraves nombreuses s’agissant de l’inventaire du potentiel foncier dont la CUD a simplement la jouissance.
Géotechnicien et Ingénieur des travaux publics de l’Etat, qui a d’importantes responsabilités traditionnelles au niveau le plus élevé au sein de la communauté Malimba-Océan, ancien délégué régional de la Maetur à Douala, son entregent et la maitrise du terrain suffiront-ils à redorer le blason du patrimoine foncier de la ville ?
Edouard KINGUE