Le président de la République s’est adressé comme de coutume à la jeunesse hier soir, à l’occasion de la fête qui leur est dédié le 11 février de cette année. L’exercice devenu routinier consiste presque toujours à mettre en relief cette jeunesse sans laquelle théoriquement la nation ne peut se développer, car elle constitue d’après la formule consacrée le fer de lance. Si cette notion est communément acceptée, il n’en reste pas moins vrai qu’il faille lui donner un sens, car l’assimiler au fer de la lance, suppose qu’elle regorge désormais les caractéristiques de cette matière, qui pour être considérée et acceptée comme telle doit irréfutablement subir une transformation d’une matière première. Lire aussi :Paul Biya : «Il faut tout d’abord défendre tous nos acquis»
Formation, passage obligé
Scientifiquement, à partir d’un haut fourneau, on y extrait le fer de son minerai. Le monoxyde de carbone ainsi formé va réduire les oxydes de fer, c’est-à-dire leur prendre leur oxygène et, de ce fait isoler le fer. Il se chargera cependant en carbone pendant son séjour dans le creuset et se transformera en fonte. Ramenée à l’être humain, la formation de la jeunesse forte à l’image du fer, procède de l’éducation qu’une nation donne à l’enfant qui nait, et qui en ce moment est l’équivalent de la matière première à transformer, ou à former. Cette formation commence par l’éducation qui est donnée à l’enfant aussi bien dans le foyer qu’à l’école. D’où la question de savoir quelle éducation est donnée à la jeunesse camerounaise à la base. « Instruis l’enfant selon la voie qu’il doit suivre; Et quand il sera vieux, il ne s’en détournera pas », dit la Bible au chapitre 22 verset 6 des Proverbes. Et plus tard, Nelson Mandela rappelait que « L’éducation est votre arme la plus puissante pour changer le monde. »
Education pervertie
Au Cameroun encore, on note que l’éducation est bâclée à la base. L’offre publique du primaire est insuffisance, les conditions sont inhumaines dans certaines contrées du pays, où les élèves prennent les cours assis à même le sol et en plein air.Le contenu est encore plus questionnable. L’histoire du pays, les valeurs locales sont escamotées au profit des idéologies occidentales qui font l’apologie des contre valeurs. On se rappelle ce cours d’éducation à la sexualité de la classe de 5eme qui a soulevé un tôlée général après la rentrée scolaire 2018/2019, avant que ce chapitre soit supprimé par la suite. Les ménages sont inondées des programmes de télévision complètement en déphasage avec nos réalités sociales, lesquelles programmes sont particulièrement prisés par les enfants en bas âge, sous le regard impuissant des parents souvent absents, à la recherche de la pitance quotidienne.
Selon Moffadel Abderrahim, médecin chirurgien marocain, « la dégradation de l’éducation est l’anéantissement de la nation. » Le constat aujourd’hui est ainsi que le processus de la formation de la jeunesse camerounaise à la base présente plusieurs lacunes. Elle prend corps avec une éducation approximative, complètement extravertie, faisant du jeune la victime de ce que Cheik Hamidou Kane appelait «L’aventure ambigüe». Ce qui le conduit inévitablement à ce type de jeune que le président Biya a décrit dans son discours à la jeunesse au soir du 10 février 2019, des jeunes auteurs « d’une pratique devenue courante qui s’exprime à travers les réseaux sociaux et qui donne lieu à des dérives préoccupantes. Si le principe de cette forme de démocratie directe n’est pas répréhensible en soi, on peut malheureusement constater qu’elle se traduit souvent par des prises de position outrageantes à l’égard des autorités, des acteurs politiques ou de simples citoyens.En votant, en se présentant à une élection, en étant élu conseiller municipal ou régional, député ou sénateur, on fait de la politique au sens noble du terme. Si vous en avez l’ambition, n’hésitez pas à vous engager dans cette voie pour le bien de votre pays.»
Sans repères
La jeunesse est ainsi appelée à participer à la vie politique de la nation de manière noble. Mais force est de constater que mentalement faible et moralement désorientée, la jeunesse ainsi privée de son histoire est désormais mal préparée à devenir ce fer de lance de la nation, en mesure de suivre fidèlement ce conseil. Incapable de prendre des décisions basées sur une parfaite connaissance de l’histoire de son pays, le jeune est dans ce domaine au mieux un bétail électoral, à la merci du premier marchand politique.Même quand il voudrait participer à la vie politique, il en est exclu par les textes, que ce soit la Constitution du Cameroun ou le Code électoral qui ne lui permettent pas de pouvoir voter qu’à partir de 20 ans, alors que depuis 18 ans il est déjà pénalement responsable.
Sur le plan socioéconomique, le président a également reconnu, que malgré des actions remarquables de son gouvernement en direction des jeunes, « notre pays demeure confronté au problème du chômage des jeunes. La raison en est connue : notre activité économique n’est pas suffisamment soutenue pour absorber les dizaines de milliers de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail. Ce qui explique aussi que nombre d’entre eux, pour éviter le chômage, doivent accepter des emplois sous-qualifiés. Du point de vue social, cette situation n’est pas sans conséquences négatives. » Et de promettre qu’en 2019 il est prévu la création de 500 000 emplois. De quoi applaudir, si jamais l’on était sûr que ces emplois promis seraient différents de ceux des motos taxi… et des calls box.