Quarante-quatre ans après leur dernier opus Nyotèlè Mba, Françoise et Milla font une entrée majestueuse dans le présent avec “Wase”, un album délicat empreint de douceur et de profondeur, dévoilé le 17 avril 2025 au cabaret Le Boj.
Il est des silences qui valent plus que mille refrains. Des silences habités, suspendus, porteurs d’une promesse ancienne. Le 17 avril dernier, au cabaret Le Boj à Douala, ce silence s’est brisé doucement, comme on entrouvre une boîte à musique oubliée. Françoise et Milla, couple mythique de la scène musicale camerounaise, y ont dévoilé Wase, un album comme une brise tiède revenue de loin, effleurant les cœurs d’aujourd’hui avec la délicatesse d’un souvenir intact. Quarante-quatre ans après Nyotèlè Mba, murmure d’amour devenu culte, ils n’ont pas cherché à rattraper le temps. Ils l’ont réenchanté.
Ce soir-là, dans une lumière tamisée, journalistes attentifs, mélomanes fidèles à l’instar de Vanessa Ebongo, et géants de la musique comme Toto Guillaume, Papa Zoé ou Kaïssa Pakito se sont rassemblés non pas pour assister à un simple lancement, mais pour vivre une résurgence. Celle d’un amour musical que le temps n’a jamais éteint, seulement mis en pause. Nyotèlè Mba, ce « murmure » en langue Duala, fut jadis un baume pour les cœurs. Wase lui succède aujourd’hui, comme un écho lointain devenu proche. Wase ne cherche pas le bruit. Il cherche le vrai. Trois titres le composent — Ndol’à ngo, Wase, Muléma — trois souffles, trois confidences. Trois instants d’humanité livrés avec grâce, entre la voix cristalline de Françoise et le timbre chaleureux de Milla. Ils chantent comme on respire : sans artifice, avec justesse.
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Porté par la voix diaphane de Françoise et le grain grave de Milla, Ndol’à ngo est une promesse d’amour fidèle, choisi, patient. Un slow qui s’étire comme une caresse. Wase, plus grave, interroge la vanité de nos vies, la fragilité de nos attaches. Cette terre instable que l’on habite avec plus de questions que de certitudes. Pour les artistes, l’humain est fragile. Et Muléma, tout en délicatesse, vient clore le triptyque comme un soupir d’âme, une étreinte suspendue. Ce titre célèbre le cœur, non pas comme organe, mais comme temple de la fidélité et de la tendresse.
L’art de renaître, ensemble
Le couple, que l’on pourrait croire jeune tant il rayonne, s’inscrit pourtant dans une longue histoire artistique. Car derrière cette offrande musicale, une histoire humaine. Milla compose au piano ou à la guitare, Françoise façonne les mots avec la précision d’une dentellière. Quarante-quatre ans d’absence sciemment choisie : le temps d’élever une famille, de vivre pleinement. « Nous n’avons jamais cessé de créer. Il fallait simplement attendre le moment juste », souffle Françoise. Leur retour n’est pas une tentative de come-back. C’est une offrande. Un acte d’amour, mûri dans l’ombre, porté à la lumière par la complicité de Jean-Jacques Kotto, leur producteur, Achille Kotto, directeur artistique, et Marius Dossou, multi-instrumentiste dont la sensibilité a accompagné la création de cet opus. Ils ont accompagné ce retour comme on veille une flamme fragile. Une reprise poignante de Papa Zoé, en reprenant l’un de leurs anciens titres lors d’un intermède émouvant, a rappelé que leur héritage n’est pas un vestige. « C’est un feu encore vif. il vit dans les voix qui l’honorent », a-t-il affirmé.
Le vrai ne meurt jamais
Wase n’est pas un album de plus. C’est une déclaration douce, lucide, essentielle. Une œuvre qui refuse le clinquant pour mieux embrasser l’essentiel : la beauté, la fidélité, la tendresse. Elle parle aux cœurs fatigués, aux amours patients, à ceux qui croient encore que certaines musiques soignent, que certains mots touchent. « Nous nous inspirons aussi de ce que vivent les couples, de ce que la vie nous donne à entendre », a affirmé Françoise avec douceur, en regardant ce public venu la soutenir.
Déjà disponible à la Fnac, Wase s’annonce dans les soirées de dédicaces, concerts intimistes et autres événements prévus au Cameroun comme dans la diaspora pour accompagner ce nouveau chapitre et animer le développement de l’album. Rn attendant, il circule. Il chuchote. Il apaise. Plus qu’un simple retour, ce projet est une déclaration : le vrai ne meurt jamais. Il s’endort parfois, mais il attend patiemment de retrouver le mot juste, la note parfaite. Et Françoise et Milla ne sont pas revenus. Ils ont attendu. Puis ils ont chanté. Leur musique, suave, lente et profonde, continue de parler aux âmes. Wase murmure que certaines beautés naissent lentement, dans le secret du temps, le souffle du silence, et une caresse d’éternité.
Cheikh Malcolm RADYKHAL EPANDA
