Ainsi peut se résumer la conférence publique à Douala, de Jean-Luc Martinez, ambassadeur de France en charge de la coopération internationale et du patrimoine au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
«Patrimoine et restitutions : à quoi servent les musées aujourd’hui». C’est autour de ce thème que Jean-Luc Martinez, ambassadeur de France en charge de la coopération internationale et du patrimoine au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, a organisé sa conférence publique. Historiens, promoteurs de galeries, journalistes, étudiants entre autres, ont fait le plein de la salle de conférence du Musée maritime de Douala, samedi 25 février 2023. L’ambassadeur et sa suite, notamment le conseiller de coopération et d’action culturelle Yann Lorvo, ont certes passé en revue l’histoire et l’importance des musées sur des générations ; mais le sujet qui a retenu l’attention du public, celui de la restitution des objets d’art et de culte volés au Cameroun.
Jean-Luc Martinez a répondu, sans langue de bois aux interrogations. «La France ne pose pas de conditions pour la restitution des objets. Nous parlons de critères relatifs aux questions d’illégalité et d’illégitimité. Il s’agit de savoir quel objet a été acquis, dans quelle condition, dans quel contexte. Ça signifie que quand la question juridique est réglée, c’est à-dire le transfert de propriété, ce n’est pas à la France de poser les conditions de conservation. Si les objets ont été mal acquis, ils doivent être restitués. Il faut régler cette question et c’est le sens de la politique du gouvernement français actuel. En droit français, la demande doit émaner de l’Etat. C’est au Cameroun, aux Camerounais de faire la demande. Le Bénin l’a fait, et après la procédure, les objets trouvés ont été rétrocédés.» Selon l’ambassadeur, par ailleurs historien de l’art et ancien président-directeur de l’établissement public du musée du Louvre, les musées comme le Louvre disposent d’objets sans aucune information, sans archive. Qu’un Etat fasse une demande de rétrocession permet ainsi aux archéologues de ce pays et du Louvre, de mener des recherches sur la paternité de ces objets.
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Certains intervenants à la conférence penchent plutôt pour «la restitution de la propriété des objets aux pays ou communautés bénéficiaires. Mais les œuvres peuvent rester conservées au Louvre, où elles ont plus de visibilité. Et une contrepartie sur ce qu’elles rapportent sera reversée aux propriétaires.» Proposition rejetée par d’autres.
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Sacralisation des œuvres
Il faut retourner les œuvres dans leur contexte de création. Une fois de retour, «la première des choses sera de les accueillir chaleureusement comme il se doit, parce qu’ils ont d’abord été des objets de culte avant d’être volés. Pour les intégrer dans leur contexte, il faudra organiser une cérémonie de purification», explique le journaliste critique d’art et Enseignants à l’Université des Beaux-Arts de Nkongsamba, Théophile Kayese.
L’ambassadeur Jean-Luc Martinez se souvient d’ailleurs que «pour le Bénin par exemple, les objets qui leur ont été rétrocédés ont été re-sacralisés au moment de leur retour. Ils avaient passé 120 ans dans un lieu qui n’était pas leur contexte de création et d’usage». Il martèle toutefois que «les musées n’ont pas tué la spiritualité, ils ont ajouté une nouvelle forme de sacralité. Le Louvre a été créé comme une nouvelle cathédrale des arts à la spiritualité chrétienne pour la France. Donc on a ajouté une sacralisation. Regardez aujourd’hui Mona Lisa ou La Joconde. Ce n’est pas un tableau religieux, mais un portrait. Il est sacralisé comme aucune autre œuvre sacrée au Louvre.»
A l’issue de la conférence publique, l’ambassadeur a échangé avec la presse, non sans accorder une audience au Réseau des journalistes culturels du Cameroun (Rj2c). Laurentine Assiga, a d’ailleurs remis des présents à l’ambassadeur et sa délégation.
Valgadine TONGA