La campagne électorale commencée il y a quatre jours est une période charnière pour Elections Cameroun, qui doit veiller à ce que tous les candidats respectent les règles du jeu. Lesquelles règles sont édictées par le code électorale et doivent pour certaines être complétées par le directeur de l’organe. C’est le cas de l’affichage par exemple. D’après l’article 91 alinéa 1 du code, «des emplacements sont réservés par les municipalités à la demande d’Elections Cameroon, pour l’apposition des affiches et du matériel de campagne de chaque candidat ou liste de candidats.» Dans la démarche, Elections Cameroon en cette période introduit une demande auprès des mairies qui gèrent en temps normal les espaces publics pour solliciter des endroits où les candidats pourront apposer leurs affiches, et répartit par la suite ces espaces aux différents candidats de manière équitable.
Anarchie et provocation du candidat au pouvoir
Mais ce qui est observé sur le terrain depuis le 22 septembre dans la nuit laisse voir que cet aspect de la campagne est encore dans l’anarchie totale. Les populations des villes et villages se sont réveillées le premier jour de la campagne et ont découvert que les affiches d’un, Paul Biya, étaient partout et nulle part dans la ville. Les affiches avaient été apposées de nuit sur tout ce qui se trouvait sur le passage : panneaux publicitaires, poteaux électriques, voitures garées, kiosques en bordures de routes, terre-plein des voies publiques, clôtures des chantiers, barrières des domiciles privés et mêmes des établissements scolaires publiques, sur lesquels il est strictement interdit de mettre des affiches. On a aussi vu ceux du candidat Franklin Ndifor.
Comme indiqué par l’alinéa 1 de l’article 91 du code électoral, les espaces pour l’affichage sont sollicités par Elecam auprès des mairies et attribués aux candidats. On imagine mal que les 5 communes de la ville de Douala, communauté urbaine comprise, aient attribué tous ces espaces à Elections Cameroun pour les affiches de campagnes.L’alinéa 2 de cet article précise que « tout affichage public, même par affiche timbrée, relatif à l’élection, en dehors de ces emplacements, est interdit, aussi bien pour les candidats que pour tout autre personne ou groupement. » Il est vrai que même en temps normal l’affichage dans les villes camerounaises obéit plutôt à la loi de la jungle, le domaine ayant échappé au contrôle de ceux qui en ont la charge.
Le Code de bonne conduite piétiné
Mais la campagne électorale met en scène des personnalités supposées avoir un comportement plus responsable vis-à-vis des lois et règlements de la République. A ce sujet d’ailleurs, Elections Cameroun a cette année encore, comme à la veille de l’ouverture de toute campagne, fait adopter un code de bonne conduite aux candidats.Dans ce code de conduite qui s’applique à tous, les candidats s’engagent à respecter les lois et règlements qui encadrent le processus électoral au Cameroun et surtout à ne pas « utiliser des positions de pouvoir à des fins de campagne.» C’est pourtant le constat qui se dégage dès les premiers jours. Par endroits ces affiches sont déjà détruites, considérés par des sympathisants d’autres candidats comme de la provocation. Et l’on glisse là lentement vers la violence, car il suffit que celui qui a apposé les affiches croise celui qui les déchire et c’est sera l’embrasement. Rejeter toute forme de violence est pourtant l’un des points contenus dans le Code de conduite proposé par Elections Cameroun.
Agir ou laisser pourrir
Cet organe est plus que jamais face à ses responsabilités. L’alinéa 5 de l’article 91 du code électoral dispose qu’«Elections Cameroon fait procéder à l’enlèvement des affiches apposées irrégulièrement.» Ses missions telles que définies à l’article 7 du même code précise qu’il est chargé de l’organisation, de la gestion et de la supervision du processus électoral et référendaire, et qu’à cet effet il est investi de tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de ses missions. Va-t-il utiliser ces pouvoirs pour remettre de l’ordre là où il faut ? Tout le monde y gagnerait, parce que déjà dans les quartiers généraux des autres candidats la réplique se prépare. Dans ces Qg où l’enthousiasme des militants n’est plus à démontrer, on promet que les affiches une fois disponibles, seront apposées même à des endroits insoupçonnés, et comme Elecam s’est tu sur le premier cas ils verront bien comment l’organe oserait lever le petit doigt.
Déjà accusé de partialité de par sa composition et de ne pas jouer franc jeu de par son fonctionnement, les dirigeants de cet organe ont souvent rétorqué qu’on juge le maçon au pied du mur, et qu’il faut les juger à l’œuvre. L’élection présidentielle de cette année en est une, et avec l’évolution de l’éducation politique des Camerounais, ses faits et gestes sont désormais scrutés au détail et notés, et tout silence devant une irrégularité sera retenu contre lui devant le tribunal du peuple.
Roland TSAPI