Dans un communiqué de presse, le président de la Commission des Droits de l’Homme du Cameroun, Pr James Mouangue Kobila, regrette la banalisation des discours haineux dans les médias.
«…Le Cameroun devra affronter […] à un moment donné la réforme foncière. On passera par là. Il faut que chacun retourne chez soi et il faut que les gens prennent les avis républicains dans ce sens-là. Pas d’essayer d’utiliser la République en disant ‘nous sommes républicains’ [alors que] derrière, on a un projet pour envahir les uns et les autres et les remplacer dans leur village […]. On va encore me traiter de tribaliste, mais il faut dire que certains ont fait de la terre un élément de conquête du pouvoir. Et ce sont pratiquement toujours les mêmes gens. Certains utilisent d’ailleurs l’État pour arriver à leurs fins.» Ces propos haineux du Dr Claude Abe sur la chaine Vision 4, ont entraîné une vague de propos tribalistes et d’indignations. La virulence des paroles du Dr Claude Abe, sociologue, «offrent une triste illustration de la stigmatisation d’une Communauté et des discours de haine», s’inquiète le président de la Commission des Droits de l’Homme du Cameroun (Cdhc), Pr James Mouangue Kobila.
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Suite à cette émission du dimanche 16 avril 2023, le Cdhc a publié un communiqué. Dans le document, la Commission avouent que «les propos de Claude Abe ont douloureusement heurté la conscience nationale. Ils blessent le sentiment d’appartenance à une seule nation. Ils résonnent comme un appel à des règlements de comptes ethniques et portent atteinte à la diversité culturelle, linguistique et religieuse, matrice de l’identité nationale du pays.»
Malheureusement, l’effet boomerang qu’un tel discours peut produire ne s’est pas fait attendre. La Commission a fait quelques morceaux choisis. Dieudonné Essomba, «dans une publication qui fait le tour des réseaux sociaux sous l’intitulé ‘‘Du discours tribal’’, a tenu des propos incitant tout autant à la haine et faisant l’apologie de la violence tribale et ethnique en disant... ‘‘l’ethnopolisation d’un segment économique, autrement dit, son contrôle par une seule communauté, peut susciter une hostilité violente des autres, surtout lorsque ce contrôle prend le caractère d’un ghetto où la communauté bénéficiaire empêche, par des moyens divers, l’entrée d’autres communautés…»
La réaction du journaliste Benjamin Zebaze a mis de l’huile sur le feu avec sa tribune intitulé Qui sont les envahisseurs ? : «…Des gens ont passé leur temps avec pour principal modèle économique la vente des terrains et l’utilisation de l’État comme ‘mamelle nourricière’ ; maintenant qu’ils n’ont plus de terrain à vendre et risquent de perdre le contrôle de l’État… » Pour la Commission, «il s’agit là aussi, de propos stigmatisants et méprisants vis-à-vis de plusieurs complexes ethnoculturels qui constituent la population du pays.»
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La Commission souligne que la lutte contre les discours de haine est «l’affaire de tous (autorités publiques, secteur privé, autorités traditionnelles, autorités religieuses, communauté éducative, associations, professionnels de médias, clubs sportifs, familles, etc.) et, en premier lieu, de chaque citoyen camerounais. Les leaders d’opinion, les journalistes et les médias qui les emploient à ne pas perdre de vue leur rôle de formateurs de l’opinion publique, un rôle qu’ils doivent assumer avec patriotisme.» le professeur Mouangue Kobila invite par conséquent «tous les professionnels des médias à plus de responsabilité dans la conduite des débats télévisés et/ou radiodiffusés à l’attention du public, afin d’empêcher que les propos tenus pendant ces épisodes ne polluent la jeunesse et ne portent atteinte à la paix et à la cohésion sociales.»
La Commission recommande in fine à l’État, «particulièrement au Ministère de la Justice et au Conseil national de la communication, de veiller au respect de la déontologie et de toutes les règles qui régissent l’activité médiatique au Cameroun, de diligenter des enquêtes sur ces actes et d’en punir les auteurs.»
Herman NOE