Dans une ambiance solennelle au Palais de la Culture Sawa, les dignitaires du Ngondo ont dévoilé un message traditionnel fort, ce vendredi, 13 juin 2025 qui résonne comme un appel à l’unité et une mise en garde contre les fractures sociales.
Ce 13 juin 2025, à 10h30, le Palais de la Culture Sawa baignait dans une lumière douce, portée par la fraîcheur matinale de l’embouchure du Wouri. Dans le silence solennel de la salle, les dignitaires traditionnels, parés de leurs tenues d’apparat, dans un silence empreint de gravité, incarnaient la mémoire vive du peuple Sawa.
Pamphile Yobe, gardien des arcanes et maître des rites du Ngondo, fut le premier à prendre la parole. Sa voix, profonde et posée, semblait porter le poids de plusieurs générations. « Le thème du Ngondo, comme à l’accoutumée, ne tombe pas du ciel. Il est l’émanation des voix de nos ancêtres. En 2024, ils nous avaient parlé de solidarité. En 2025, ils demandent que cette solidarité s’accompagne d’un rassemblement sincère », a-t-il affirmé. Dans son propos, la solidarité n’est plus une simple valeur sociale. Elle est vecteur d’équilibre.
Il ne s’agissait donc pas d’un thème opportuniste, mais d’une ligne directrice à suivre dans l’orage de l’actualité : précarité galopante, repli identitaire, fractures régionales et perte de confiance entre citoyens. « Il s’agit de transcender les clivages religieux, ethniques, politiques, pour bâtir un Cameroun où chaque énergie, chaque intelligence, chaque main trouve sa place dans un même édifice national », a martelé Yobe Pamphile, dans une envolée où la tradition rencontrait les urgences du temps présent.
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‘’Ja Jongwanele littéralement traduit par Solidarité et Kotome, le Rassemblement, sont alors deux piliers, martelés avec une conviction tranquille, résonnent comme un appel à l’unité dans un pays fracturé. « La solidarité sans le rassemblement n’est qu’un vœu pieux », a déclaré Yobe Pamphile, la voix portée par l’écho des murs. Autour de lui, les regards des chefs traditionnels, immobiles, semblaient incarner la permanence d’une sagesse millénaire.
Sa Majesté Mbappé Bwanga, président en exercice du Ngondo, s’est à son tour adressé à la presse. Avec un calme digne d’un sage, il a rappelé le sens profond du rassemblement : « Pour être solidaire, il faut d’abord être ensemble. Et être ensemble demande une volonté de se retrouver, malgré nos différences ». Dans ses mots, le Ngondo se positionne, non seulement comme sentinelle de la mémoire Sawa, mais comme repère moral pour la République tout entière. « Si vous êtes nombreux mais pas solidaires, vous n’êtes pas ensemble », a déclaré le King Bèlè Bèlè. Son discours, sobre et précis, a mis en lumière le double défi du Ngondo 2025 : réconcilier les mémoires et préparer l’avenir.
Au service de la paix sociale
Eyango Ekwa, secrétaire général du Ngondo, a pour sa part annoncé un moment historique, relatif à la remise du parchemin par le ministre des Arts et de la Culture. Une reconnaissance qui intervient après l’inscription officielle du Ngondo au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO, prévue pour le 5 juillet 2025. Une cérémonie d’envergure est annoncée, sous l’égide du ministère des Arts et de la Culture, pour célébrer cette reconnaissance qui honore non seulement le peuple Sawa, mais l’âme du Cameroun profond. « Ce n’est pas un aboutissement, c’est une exigence nouvelle », a-t-il averti. Car être vu par le monde, c’est aussi porter une responsabilité accrue. Celle de rester fidèle aux valeurs que l’on proclame : la paix, la transmission, la justice sociale et l’ancrage dans l’histoire.
Face à une société camerounaise crispée par les tensions du NOSO, et la montée du tribalisme, les discours des chefs traditionnels résonnent comme un rappel fondamental : les communautés ont toujours été les premières sentinelles de la paix. La communauté Sawa, à travers le Ngondo, continue de jouer son rôle de médiateur, de gardien de la paix et de voix alternative à l’État, quand celui-ci peine à entendre les cris du peuple. « Il devient urgent de graver le bien-être de tous dans la pierre des décisions publiques », a insisté Pamphile Yobe. Un message qui s’adresse à la République, mais aussi à ses enfants égarés dans le tumulte de la discorde. « Nous avons une responsabilité particulière désormais. Le monde nous regarde. Le Cameroun nous regarde. Et vous aussi, médias, êtes un pouvoir. Le quatrième, dit-on, mais parfois le premier à faire surgir la vérité », a ajouté King Bèlè Bèlè, engageant la presse à ne pas trahir l’esprit de paix qui souffle depuis les berges du Wouri.
Alors que la conférence s’achevait, une sagesse a parcouru l’assistance : « Tant que l’eau du Wouri coulera, le Ngondo vivra. » Et cette eau, aujourd’hui, coule plus forte que jamais.
Cheikh Malcolm Radykhal EPANDA