La famille artistique a rendu un hommage solennel dans la nuit du jeudi 11 décembre 2025, à celui que l’on considère comme le père de l’art contemporain camerounais. C’était à l’espace Doual’art, avant son dernier voyage vers son Batoufam natal pour son repos éternel.
Dessinateur, peintre et sculpteur, Koko Komegne fut un artiste autodidacte, fier de l’être. Auto-formé, il s’est construit une vaste culture artistique dans un contexte où le métier d’artiste était souvent regardé avec mépris. Il a survécu, résisté et imposé une œuvre puissante, libre et profondément engagée, devenant au fil des décennies une référence incontournable.
Considéré par beaucoup comme le père de l’art contemporain camerounais, Koko Komegne s’est démarqué très tôt des courants dominants de sa génération, largement tournés vers la peinture. Témoin de son époque, il a surtout dressé des portraits critiques de la société camerounaise, développant une écriture picturale singulière qu’il appelait « la diversion optique en peinture ». Son entrée dans la sculpture sur bois, plus tardive, s’est accompagnée d’un autre langage qu’il nommait « la compile active ».
Artiste prolixe, Koko Komegne laisse derrière lui des milliers d’œuvres peintes et des centaines de sculptures, dont une grande partie se trouve aujourd’hui hors du Cameroun. Il fut également l’un des premiers artistes à réaliser de grandes fresques murales, notamment à l’Université de Dschang, aujourd’hui disparues. Son empreinte demeure cependant visible dans l’espace public à travers plusieurs œuvres emblématiques : Nje Mo ye à Nkololoun (Douala), KOGNI à Baham Bird (Baham) et Nangadef à la Fondation MAM (Suza).
Homme de pensée et de combat, Koko Komegne fut aussi auteur, avec deux ouvrages marquants : Survivre et frapper (CCF, 2006) et son autobiographie Sweet Logik (Baham House, 2024). Il est également à l’origine du film Le bruit du silence qui jamais été diffusé.
Lire aussi : Art nègre : vers un retour à l’authenticité négro-africaine
Militant infatigable de l’art, il a été membre fondateur ou initiateur de plusieurs collectifs majeurs : le Cercle Maduta, premier collectif connu d’artistes plasticiens au Cameroun, le CAPLIT (Cercle des Artistes Plasticiens du Littoral), le Kheops Club, ainsi que la SOCADAP. Pour plusieurs générations d’artistes, il fut un maître, une boussole, un guide.
Lire aussi : Arts visuels : Koko Komegne donne corps au Masque à masque
Les hommages se multiplient depuis l’annonce de sa disparition. La famille Telieunang salue « un pilier, une mémoire, un maître », tandis que ses proches, ses élèves et ses compagnons de route évoquent un homme libre, généreux, exigeant, profondément humain. « Un homme de sa trempe ne meurt pas, il s’élève », écrit la princesse Marilyn Douala Bell, promotrice de l’espace doual’art.
Koko Komegne s’en est allé discrètement, fidèle à lui-même. Mais il laisse derrière lui une œuvre immense, un héritage intellectuel et artistique durable, et une trace indélébile dans l’histoire de l’art africain contemporain.
Bo’o Telieunang Tiegne Gaston Komegne de son vraie nom est né un jour du 2 octobre 1950 à Batoufam, l’artiste s’est éteint le 28 octobre 2025, à l’âge de 75 ans. Avec lui disparaît une figure majeure, un pilier de la mémoire artistique contemporaine du Cameroun.
Blanchard BIHEL






