Les populations se plaignent d’une montée en puissance des agressions et des braquages à main armée. Dieudonné Ivaha Diboua les traite de menteurs.
Aurélie est une trentenaire qui ne passe plus une semaine sans s’offrir du plaisir. Depuis qu’elle a vu sa vie lui filer entre les mains, un samedi de février 2021. Elle revenait d’un cabaret avec sa cousine, à bord d’une mototaxi. A l’entrée Marie-Reine, située à la Cité-Sic à Douala, trois jeunes hommes armés de machettes et de couteaux surgissent devant eux. Ils récupèrent toute la recette et le téléphone portable du conducteur de moto et lui intiment l’ordre de partir avec son engin. «Quand le benskineur est parti, ils nous ont dépouillées de tous nos biens. Après ils nous ont ordonné de nous mettre à poil. Je me suis faite pipi dessus tellement j’avais peur. Ils nous ont passé à tabac. Dieu merci, comme le jour se levait, les femmes sortaient pour se rendre à l’église Christ Roi. C’est alors qu’ils nous ont demandé de courir jusqu’à la maison sans regarder en arrière. Nous étions complètement nues. Je ne souhaite ce traumatisme à personne. Le pire c’est qu’une semaine plus tard, j’ai été cambriolée en fin de matinée. Les bandits ont emporté tous mes appareils, ceux de mon fils. Ils ont tout emporté jusqu’à la vaisselle. Maintenant, si 22h me trouvent hors de chez moi, je ne rentre plus.»
Aux alentours du stade Japoma, ont émergé de grosses baraques à la physionomie quasi similaire. Les premiers occupants de ce nouveau quartier aspiraient à la quiétude quand ils s’y construisaient. Le rêve a fait long feu. Comme l’indiquait, il y a une semaine La Voix Du Koat sur son compte Facebook, depuis des mois, les vols à main armée marquent l’existence des riverains. «Nous tenons régulièrement des réunions pour trouver une solution à ce drame, nous confie une riveraine sous cape. Nous n’en pouvons plus. Ils arrivent même dans certains domiciles, après avoir cambriolé, ils s’installent et boivent du vin avant de s’en aller. Ces gens nous épient parce qu’ils savent tout de nous. Quand ils arrivent chez toi, ils te disent ce que tu as mangé en journée avec ton mari sur le balcon, te parlent de tes invités de la journée qui roulent carrosse, te disent comment tu as une vie meilleure que la leur… Nous ne pouvons plus sortir. Mon époux n’accepte plus que quelqu’un mette le nez dehors, même pas au balcon. Une fois les enfants revenus des classes, nous restons enfermés comme des prisonniers le jour. La nuit, nous menons la garde pendant que les enfants dorment.»
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Ici, les malfrats se sentent en sécurité et en toute confiance. Chez Nadège (qui a réclamé la protection de son identité de peur de représailles), «ils ont mis 1h30 pour forcer la porte, en vain. Ils sont partis chercher un produit pour les aider à y arriver et sont revenus. Entre temps, j’appelais à l’aide mais plus personne ne sort maintenant. Chacun craint le retour. Finalement ils sont entrés et se sont servis. Après ils ont bu du vin avant de s’en aller. Ils ne sont pas pressés. C’est le dialogue. Aujourd’hui, pour qu’ils ne cassent plus les portes, on leur ouvre quand ils frappent. Nous sommes traumatisés, surtout qu’ils ont des armes à feu. Ils tirent toujours en l’air lors de leur départ, généralement quatre coups de feu. Et quand tu oses sortir, ils te demandent d’attendre ton tour.»
Dans le domicile d’un autre riverain, ces hors-la-loi ont fait preuve de compréhension, ironisent ses voisins. «Ils m’ont demandé l’argent et j’ai affirmé ne rien avoir. Après avoir passé la maison au peigne fin, ils ont trouvé. Mais quand je leur ai expliqué qu’il s’agit des fonds pour l’enterrement d’un proche, ils m’ont donné quelques billets pour le voyage», raconte-t-il. Du fond de la psychose dans laquelle ses voisins et lui sont plongés, ce cinquantenaire n’apprécie guère la sortie du gouverneur du Littoral.
Dans le communiqué ci-dessous, signé ce lundi 10 mai 2021, Samuel Dieudonné Ivaha Diboua ponctue : «Des informations circulent de plus en plus dans les réseaux sociaux faisant état de la présence des bandits armés dans certains quartiers de la ville. Après recoupement, il en ressort toujours qu’elles sont montées de toutes pièces pour alarmer désespérément nos paisibles populations. Il met en garde les auteurs desdits messages, véhiculés dans les réseaux sociaux à des fins inavouées. Par conséquent, il invite les populations à vaquer normalement à leurs occupations.»
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Pour notre interlocuteur, «certainement que le gouverneur veut vivre une agression avant de reconnaître que l’insécurité règne à Douala. A moins que le gouverneur qui représente le Chef de l’Etat dans la région du Littoral soit mal informé, ce qui serait une faute lourde en soi. Si le gouverneur estime que nous mentons, ça veut dire que nous n’avons plus aucune autorité en qui faire confiance. Ça ne sert plus à rien de parler. Nous sommes devenus des menteurs parce que nous avons osé appeler au secours. C’est la raison pour laquelle je ne veux parler à aucun journaliste. Ça va se retourner contre moi. Nous trouverons nous-mêmes une solution à notre problème.»
Aujourd’hui à Douala, la providence est le sauveur. «Le gouverneur ne peut pas nous dire qu’il n’y a pas les bandits armés dans les quartiers. Le frère du ministre Laurent Esso n’a-t-il pas été violemment agressé dernièrement devant son domicile? Nous ne sommes plus en sécurité. Même pour trouver une habitation, tout le monde te dit qu’il n’y a plus de quartier sécurisé à Douala. C’est Dieu qui nous protège.»
Valgadine TONGA