C’était au cours dune cérémonie officielle organisée le 22 décembre 2025 à Bertoua par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
C’est une consécration. Pour le concerné, « une étape sur le long chemin qui nous mène vers la maîtrise totale des problèmes posés par l’afflux des réfugiés dans un village comme le nôtre ». Le prix mondial Nansen 2025, distinction mondiale décernée par les Nations-Unies au chef du village Gado-Badzéré, Martin Azia Sodea, récompense des années d’accueil et d’intégration de réfugiés centrafricains dans son village situé à une trentaine de kilomètres de Garoua-Boulaï, chef-lieu de l’arrondissement éponyme. C’est ce prix qui a été présenté aux autorités et populations de la région de l’Est, le 22 décembre 2025 à Bertoua, chef-lieu de ladite région. Cette cérémonie n’était pas seulement un hommage à un homme, mais le couronnement dun modèle d’humanité et de cohésion sociale né dans une zone rurale accueillant des milliers de personnes fuyant les violences en République centrafricaine (RCA).
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Créé en 1954, le prix Nansen porte le nom de Fridtjof Nansen, premier Haut-Commissaire pour les réfugiés et prix Nobel de la paix. Il récompense chaque année des individus ou des communautés ayant accompli des actions exceptionnelles en faveur des réfugiés. « Ce prix traduit l’hospitalité légendaire du peuple camerounais, illustrée par le chef de Gado-Badzéré », a souligné Yvette Muhimpum, représentante multi-pays du HCR présente à la cérémonie. Pour l’agence onusienne, le Cameroun, à travers cette distinction, démontre une politique d’asile généreuse et exemplaire. Conformément à la Convention de 1951, le Gouvernement camerounais apporte une protection nationale aux réfugiés centrafricains qui se trouvent sur son territoire depuis une décennie. La sélection rigoureuse des lauréats de ce prix s’appuie sur des critères de courage, d’humanité, d’innovation et de promotion de solutions durables. Cette année, aux côtés de lauréats régionaux en Irak, Ukraine, Mexique et Tadjikistan, c’est le chef de Gado-Badzéré qui a été choisi comme lauréat mondial 2025, portant haut les couleurs de l’Afrique.
Reconnaissance internationale
Son action saluée internationalement, est concrète et transformative. Dès l’afflux massif de réfugiés centrafricains, il a mis à leur disposition des terres agricoles. « Pas seulement pour des abris, mais pour survivre et cultiver », a expliqué la représentante multi-pays du HCR. Cette décision cruciale a sauvé des vies et jeté les bases d’une autonomie alimentaire. Innovant, le chef Martin Azia Sodea, a adopté une stratégie inclusive. Ses terres sont partagées entre réfugiés et communautés hôtes camerounaises, favorisant ainsi la cohésion sociale et le développement économique local. Autre initiative phare, la création dun Comité mixte de développement, présidé par lui-même, et composé à parité de camerounais et de réfugiés centrafricains. Cette instance unique permet un dialogue permanent, un brassage culturel et une gestion concertée des défis quotidiens, faisant de Gado-Badzéré un laboratoire d’intégration réussie.
La philosophie du lauréat
Dans un discours empreint de simplicité et de sagesse, le chef lauréat a dédié ce prix à l’union et aux traditions de partage des peuples de la région. « Ce prix représente l’union. Nous avons appris à nous réunir et partager pour mieux vivre, à ne pas fermer la porte aux étrangers, aux personnes en détresse », a-t-il déclaré ému. Puisant dans la culture Gbaya, il a lancé un appel solennel : « J’interpelle le monde entier d’ouvrir les bras, de faire comme nous ici au Cameroun. Les riches doivent partager avec les pauvres pour mieux vivre ensemble ».
La cérémonie, ponctuée de chants et de danses traditionnelles, a aussi été l’occasion pour le président du Comité de développement de Gado-Badzéré de rappeler les réalisations permises par l’appui des partenaires, comme la construction d’écoles ou de points deau. Il a aussi lancé un appel aux autorités et aux humanitaires pour relever les défis persistants comme l’insécurité, le besoin criard d’infrastructures (électrification, routes, santé) et la nécessité de soutenir davantage les communautés hôtes, dont la générosité est mise à rude épreuve.
Au-delà du village Gado-Badzéré, cette distinction est perçue comme une fierté pour toute la région de l’Est, principale terre d’asile du Cameroun, et pour la nation toute entière. « Le Cameroun mérite son nom d’Afrique en miniature », a affirmé la Représentante multi pays du HCR, « car aujourdhui, c’est tout le continent qui est honoré à travers ce prix ». Dans un monde où les frontières se ferment souvent, l’histoire du chef de Gado-Badzéré et de son peuple rappelle une vérité essentielle : le courage d’accueillir et la compassion partagée sont des forces puissantes qui transforment les vies et bâtissent la paix. Le prix Nansen 2025 ne clôt pas un chapitre, mais illumine un chemin à suivre.
Ange-Gabriel OLINGA BENG
