20.000 hectares. C’est ce que réclament les riverains des plantations de la Société des palmeraies du Cameroun, Socapalm ne date pas d’aujourd’hui. En fait, les riverains des plantations Socfin/Bolloré (le groupe belge Socfin dont le groupe Bolloré est actionnaire a acheté la Socapalm) à travers le monde portent les mêmes griefs. Pour plus d’impact, ils ont crée l’Alliance internationale des riverains des plantations Socfin/Bolloré. Ils ont aussi baptisé la date du 31 mai, journée internationale de mobilisation pour dénoncer les abus de la Socfin. Des marches étaient ainsi prévues dans les différents pays concernés, Cameroun, Cambodge, Libéria, Côte d’Ivoire, Sierra Leone. Au Cameroun, les activistes devaient adresser une correspondance au Directeur général de la Socapalm, à Bonanjo à Douala. Ils ont été stoppés net par le Commissaire principal du Commissariat central. Les paysans et les syndicalistes veulent tout simplement du Dg la mise sur pied d’une plateforme de dialogue pour résoudre leur problème. Ils sont des plantations des régions du Centre, du Sud et du Littoral. «Nous allons continuer à mener des actions, tant que nous serons riverains de la Socapalm et que la Socapalm sera sur nos terres. Nous ne cesserons de revendiquer, jusqu’à notre mort», signe Emmanuel Elong.
Ce Camerounais est le président de l’Alliance internationale des riverains des plantations Socfin/Bolloré. Dans l’interview ci-dessous, il revisite l’histoire de la rétrocession des terres par l’Etat au groupe belge, les démarches entreprises jusqu’ici… Emmanuel Elong est aussi président de Synergie national des paysans et riverains du Cameroun et chapeaute les autres associations des paysans du Cambodge, du Côte d’Ivoire, du Libéria.
Que revendiquent concrètement les paysans et riverains de la Socapalm ?
L’association Synergie national des paysans et riverains du Cameroun (Synapacam) essaie d’encadrer les populations locales qui habitent tout près des plantations du groupe Socfin/Bolloré dont les terres sont gérées au Cameroun par la société Socapalm. Les populations riveraines de ces plantations dénoncent l’accaparement aveugle de leurs terres, la violation des accords signés par le Cameroun et les repreneurs des terres (la Socapalm). Le groupe Socfin/Bolloré qui gère nos terres à travers Socapalm et l’Etat du Cameroun avaient signé un bail emphytéotique (60 ans). Il y a également eu une convention de cession qui a permis à Socfin d’acheter la Socapalm. Ce qui est marrant c’est qu’en 2005, il y a eu un avenant au bail. Le repreneur et l’Etat du Cameroun ce sont mis autour d’une table. Et l’Etat a rétrocédé les terres aux villageois. Nous leur demandons de respecter les accords signés entre l’Etat du Cameroun et le repreneur. Dans ces accords, l’Etat a pris en compte ses populations, il n’a pas bradé les terres. Mais le repreneur, dans sa politique de voler nos terres est allé au-delà de ce qu’on lui a donné. Il est en train de récupérer les bas-fonds que les populations utilisent pour cultiver le manioc, de quoi nourrir leurs familles. Le repreneur ne veut pas libérer ces terres. Si nous sommes en route aujourd’hui, la première des choses que nous revendiquons c’est le respect de la rétrocession des terres données aux populations depuis 2005. Socapalm doit nous rétrocéder nos terres. Nous voulons aussi des compensations financières, le développement économique et la protection de l’environnement.
Combien d’hectares avaient été rétrocédés au finish à la Socapalm ?
La Socapalm c’est une grande société qui couvre trois régions au Cameroun (Sud, Littoral, Centre). Donc on a rétrocédé par chaque village. Je sais que l’Etat avait concédé au départ dans l’ensemble des plantations 72.000 hectares de terrain au repreneur. Après l’avenant au bail, c’est revenu à 56.000 hectares. Le prix du loyer a par conséquent diminué. Cette même Socapalm continue à spolier les populations, à polluer l’air. Entre 2000 et 2015 il y a eu des tractations entre l’Etat, Socapalm et les populations riveraines. Les terres appartiennent à l’Etat. Il avait donc décidé en 2000, lors des concertations de diminuer les superficies exploiter par le repreneur et de les rétrocéder aux villageois pour leur agriculture familiale. Socapalm n’a jamais libéré cette partie rétrocédée aux villageois. L’association que je représente est nationale et est membre d’une association internationale qui s’appelle l’Alliance internationale des plantations Socfin/Bolloré dont je suis le président international. On a commencé le mouvement depuis 2010. On a fait beaucoup de sit-in au Cameroun et on a fait un mouvement international et le président Bolloré s’est saisi du dossier et nous a invités en France en octobre 2014 pour étudier les solutions pacifiques. A ma grande surprise, à la rencontre en France, la Socapalm qui devait être représentée par un haut cadre camerounais était absent. Le groupe Socfin a décidé de faire la politique de la chaise vide. Le Groupe Bolloré qui a voulu forcer Socfin au dialogue ne pouvait pas prendre seul la solution parce qu’il est actionnaire minoritaire au groupe belge Socfin, avec 39% du capital, mais avec le droit de véto au conseil d’administration. Bolloré nous a quand même dit à la rencontre qu’il a compris nos doléances. Et que nous pouvons rentrer dans nos pays négocier avec nos gouvernements. Lui devait se charger de faire pression sur Socfin.
Qu’est-ce qui a été fait depuis lors ?
D’octobre 2014 à nos jours rien n’est fait. On avait écrit au groupe Bolloré pour savoir ce qui bloque. Le 26 janvier 2015 le groupe Bolloré nous répond que Socfin lui a demandé de ne pas se mêler de ses affaires parce qu’il est actionnaire minoritaire. Nous avons exigé du Groupe Bolloré de nous présenter le président directeur général de Socfin. Le groupe Bolloré nous a remis l’adresse électronique du président directeur général de Socfin qui n’est pas au Cameroun. Nous nous sommes rapprochés de lui par les mails et jusqu’aujourd’hui il n’a jamais réagi. Nous avons donc décidé de gêner leurs activités. C’est l’objectif du mouvement. Il n’est pas seulement au Cameroun, mais dans cinq pays. Nous allons continuer à mener des actions, tant que nous serons riverains de la Socapalm et que le Socapalm sera sur nos terres. Nous ne cesserons de revendiquer, jusqu’à notre mort. Ceux qui viendront après nous continueront le combat.
Entretien avec Valgadine TONGA