Après l’accession de Paul Biya à la magistrature suprême le 6 novembre 1982, le contexte turbulent des années 90 avait permis de débusquer une stratégie manifeste du pouvoir, laquelle fut relative à la dichotomisation de l’espace public. En effet, au regard de l’enrôlement des jeunes dans la production des villes mortes durant les années de braise, le Président de la République, courroucé, avait alors forgé le discours suivant lequel « La politique aux politiciens l’école aux écoliers ». Pour le prince du Renouveau, il était question de ségréguer l’agora. Le Chef de l’Etat avait alors imputé aux jeunesses du Renouveau le rôle d’étudier à l’école, aux lycées et collèges, ainsi que dans des universités d’Etat et Instituts privés de l’enseignement supérieur. Aux Hommes politiques de tous bords, le chantre du régime en place avait accordé, à la différence, la fonction consistant à faire la politique, mieux la politique politicienne.
Pourtant, la politique dont l’homme du 6 novembre parla, il y a plus de deux décennies, n’est autre que l’art de gérer la cité, la politique étant, en substance, l’ensemble des règles, des méthodes, des principes et des objectifs régissant la gestion de la Respublica. Cette besogne, contrairement à ce que d’aucuns pensèrent à l’époque, est dévolue autant aux Hommes politiques qu’à d’autres catégories sociales. Comparativement au discours dominant du prince à cette période tumultueuse, la politique n’est guère l’apanage et l’affaire des politiciens. En clamant alors, dans l’un de ses discours antérieurs, que l’école aux écoliers et la politique aux politiciens, le Président de la République avait, pour ainsi dire, posé les jalons du processus, mieux de la dynamique de la dé-politisation des jeunesses du pouvoir. Si bien que toute expression critique et subversive de cette catégorie sociale sur l’espace public à l’égard du système fût réprimée nonobstant l’émergence d’une bourrasque libertaire. L’on se souvient, par exemple, que des anciens étudiants de l’Université de Yaoundé furent, au début des années 90, châtiés, violentés et persécutés par les sbires diligentés par l’Etat au moment où ils eurent engagé des mouvements de contestation. Angoissés par les scènes de violence outrancière, certains anciens leaders des réseaux associatifs d’étudiants avaient pris la trajectoire de l’exil. D’autres appartiennent même, à l’heure actuelle, à la diaspora, dont les flèches lacérées et incisives transpercent la muraille du système gouvernant en place.
Au demeurant, l’enjeu inavoué de la répression des mouvements de contestation estudiantine consistait à bâillonner la jeunesse universitaire, dont les leaders furent des critiques véhéments du régime actuel. Cette jeunesse iconoclaste avait, d’ailleurs, pour dessein de théâtraliser la posture de leader et acteur politique en devenir. Or, l’objectif des figures de proue du système consistait à dissuader, à opprimer et à matraquer ces jeunes. Histoire de dissiper toute velléité liée à l’incarnation de la stature de leader et acteur politique opposés au régime en place. Voilà donc comment s’est construit, progressivement, le schéma de la dé-politisation des jeunesses scolaire et universitaire camerounaises. C’est ce qui explique, non sans pertinence, l’enlisement de cette catégorie de la population dans les scénarii de l’ambiance, de la tonitruance, de la jouissance et de la réjouissance lors des fêtes rituelles de la jeunesse, de l’Etat unitaire, de Noel et de Nouvel an. Triste sort!!!
Serge Aimé Bikoi, Journliste indépendant et Sociologue du développement.