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Crise à la mairie d’Edéa IIᵉ : anatomie d’un pourrissement administratif

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Vingt-six mois d’arriérés de salaires, un dialogue social rompu et des responsabilités qui se renvoient : à Edéa IIᵉ, la grève du personnel communal met à nu une crise profonde de gouvernance locale, et un maire qui reconnaît la dette mais disperse les responsabilités, accusant manipulations et cafouillages. Une crise sociale qui déchire la commune et assigne à la gouvernance municipale une responsabilité écrasante.

À Edéa IIᵉ, la scène du 12 décembre 2025 marque une rupture. Devant les grilles closes de la mairie, des employés assis, silencieux, brandissent un tableau noir où s’inscrit un cri lapidaire : « Trop c’est trop. Nous voulons nos 26 mois d’arriérés de salaire ». L’image frappe, mais elle n’est que l’aboutissement visible d’un long processus d’usure sociale, entamé bien avant que la grève ne s’installe dans l’espace public

Il est 10h45 ce mardi, 16 decembre lorsque nous arrivons à la mairie d’Edéa II. Les portes sont cadenassées, non par le gestionnaire, mais par la colère. Cinq agentes municipales montent une garde statique. Leur pancarte, un tableau d’école, lance un chiffre qui résume six ans de déni : « 26 MOIS D’ARRIÉRÉS DE SALAIRE ». Cette grève, annoncée par écrit dix jours plus tôt, est l’ultime recours d’un personnel asphyxié.

Chronique d’une impasse annoncée

Tout a commencé par une lettre formelle, datée du 2 décembre 2025, signée par les représentants du personnel. Le document, adressé au maire Mbei Nje, dresse un constat accablant : 23 mois d’arriérés sur la période 2019-2023, auxquels s’ajoutent les salaires d’octobre et novembre 2025. Soit 26 mois de travail non rémunéré. La missive rappelle qu’un échéancier de paiement ordonné par la Tutelle (Préfecture et Ministère) est resté « lettre morte ».

Le 10 décembre, une dernière tentative de médiation échoue. Le maire propose via un représentant le paiement immédiat d’un seul mois sur les 26 dus. La réponse des agents, écrite et sans appel, est cinglante : « Le Personnel communal… l’a rejetée majoritairement ». Ils exigent le paiement sans discrimination de 4 mois d’arriérés, un échéancier contraignant pour le reliquat et l’apurement des cotisations sociales. « La levée du mot d’ordre de grève n’aura lieu qu’après satisfaction » de ces points, clament-ils.

Une crise née de l’accumulation et du silence

Interrogés, les grévistes sont directs. « Nous n’avons plus de vie », lancent-ils, accusant le maire de mépris. « Avec quatre carrières de sable, le motel, les galeries commerciales… cet argent sert à quoi ? À leur propre bouche ! » s’indigne un gréviste, pointant le décalage entre des recettes communales perçues comme substantielles et leur extrême précarité.

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Joint par téléphone pour avoir sa version des faits, Mbei Nje reconnaît la réalité des arriérés. « C’est vrai, il y a des arriérés et je suis très soucieux d’en finir. Je n’ai aucun intérêt à bloquer les salaires de mes collaborateurs », affirme-t-il. Il invoque cependant plusieurs facteurs : son absence prolongée de plus d’un an pour raison de maladie, des dysfonctionnements administratifs, et surtout des manœuvres internes. « Il y a des intelligences de tout bord qui mélangent les employés à leur détriment », soutient-il, pointant nommément le chef des affaires générales, qu’il accuse de ne pas assurer le suivi des mandats signés. Mais il renvoie la responsabilité de la crise à un mélange de mauvaises volontés internes et d’ingérences politiques en vue des prochaines municipales. « J’ai l’impression que les municipales prochaines ont suscité… des intelligences de tout bord », affirme-t-il, désignant des « mains de l’ombre ». Il évoque par ailleurs un accord trouvé le 9 décembre pour payer les 4 mois de 2019, puis la demande d’un mois immédiat. « Je me suis rapproché de mon receveur municipal qui a commencé à le faire de suite. Mais à la grande surprise, certains employés, y compris celui qui a demandé, déclenchent la grève », raconte-t-il, minimisant l’ampleur du mouvement : « Ils sont 6 sur 15. Les autres travaillent normalement » – une affirmation fermement démentie par les grévistes qui assurent que « tous les services sont fermés », disent-ils. Affirmant drs discriminations dans le traitement « Nous sommes au nombre de 10 personnels. Quatre sont les membres de sa famille ils ont un traitement à part, d’aucun n’ont pas d’arriérés » nous renseignement ils.

Faillite managériale et opacité financière

L’analyse objective des déclarations crée un face-à-face brutal. D’un côté, les agents, dont la détresse est tangible et les revendications chiffrées. De l’autre, un maire qui, tout en reconnaissant la dette, disperse les responsabilités : agents « manipulés », procédures kafkaïennes, conflits de personnes, et même des créances de l’État ( « plus de 60 millions de Dotation Générale de Fonctionnement détenus » ) qui privent la commune de liquidités. Pourtant, le droit social est sans ambiguïté : l’employeur, en l’occurrence la municipalité dirigée par M. Mbei Nje, a l’obligation intangible et non transférable de payer ses salariés. La durée exceptionnelle de l’impayé – couvrant presque tout son second mandat – et l’inaction face aux injonctions de la Tutelle dessinent en creux une faillite criante de la gouvernance et de la protection des agents.

Aujourd’hui, le siège de la mairie d’Edéa II est plus qu’un mouvement social. C’est le tribunal de la dernière chance où des fonctionnaires locaux, poussés à bout, jugent, par leur présence obstinée, ceux qui sont censés les diriger. La crise est désormais ouverte. Elle ne prendra fin que lorsque les comptes de la commune auront été mis à nu, et la dignité des agents, enfin, restaurée par des actes.

De cette séquence de tensions, une évidence s’impose avec la rigueur des faits : la crise qui paralyse la mairie d’Edéa IIᵉ n’est ni accidentelle ni conjoncturelle. Elle est le produit d’une défaillance structurelle de la gouvernance locale, où l’absence de mécanismes de prévention, de traçabilité financière et de dialogue social continu a laissé s’accumuler les frustrations jusqu’au point de rupture. Les arguments des uns et des autres, aussi recevables soient-ils, ne sauraient occulter l’essentiel : un employeur public ne peut durablement invoquer les contraintes systémiques pour différer un droit fondamental sans en assumer la responsabilité politique et administrative. Tant que la question salariale ne sera pas traitée dans un cadre transparent, assorti d’engagements vérifiables et de contrôles effectifs de la tutelle, le conflit restera latent, prêt à resurgir. À Edéa IIᵉ, la grève n’est donc pas un épiphénomène ; elle est le symptôme d’un modèle de gestion arrivé à ses limites.

Cheikh Malcolm Radykhal EPANDA 

 

 

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