Une note de lecture de Theodore KAYESE
Avec la globalisation, la dynamique d’échange et de communication que semble se partager les êtres humains, augure la naissance d’un monde qui s’organise autour de la notion dialogue des cultures. La construction d’un dialogue interculturel peut-elle devenir réalité alors que certaines sociétés ont élevé la loi de la jungle au rang de la loi universelle ? La question vaut tout son pesant d’or dans un monde suspendu à ses propres contradictions.
A travers un dialogue poétique, Danyelle Morin (Canada) et Edouard Kingue (Cameroun) entreprennent de déconstruire le mythe de la loi du plus fort. Avec des épices africaines et ingrédients du Québec, les auteurs ont voulu un recueil léger mais suffisamment poignant au regard de la problématique plus haut énoncée.
‘‘Assise au jardin (Danyelle)
A l’ombre du magnolia
Si léger mon regret
du temps qui s’en va
sans moi
L’ombre passe (Edouard)
L’abîme entre les êtres
s’achève et serre
Les liens
Reviendra la lumière
Quand le silence
Hivernal
Aura déserté les cœurs’’
La condition humaine prend alors le dessus. La poétique et le dramatique sont travaillés et traversés l’un par l’autre.
‘‘Dans la pénombre (Edouard)
Germe
Le souffle pluriel
Sur la page (Danyelle)
L’envol soyeux des mots
Le secret de leur nuit
L’incertain de leur grève’’
Déferlement de mots, sonorités et flux d’images comme dans un film. Ni mètre, ni rime ni strophes et absence totale de ponctuation dans les deux premières parties de l’ouvrage. Pourtant, le rythme respiratoire est toujours présent. En fait, les auteurs s’affranchissent des règles de la métrique mais pour une bonne raison. Il s’agit de trouver une nouvelle forme d’écriture contemporaine, à leur propre rhétorique du « dire-vrai » ; les vers transpirent la liberté.
Artiste plasticien à la base, avec Danyelle Morin, le pictural se transpose en un monde verbal « un léger froissement
sur la ligne d’horizon
si bref l’instant »
Le journaliste Edouard Kingue affectionne plutôt les jeux de mots et autres néologismes. Admirons la danse des mots : « Tu me givres me dégivres en moi » ; « De l’air je veux ton ère en moi ton aire ».
En dernière partie de l’ouvrage, les deux compères nous proposent leurs regards sur le monde. Entre le « je » et le « tu » dans une sorte de storytelling, le récit côtoie le poème. « Fragiles Passerelles » nous ouvre la question de l’Autre, de tous les autres avec qui nous partageons la terre, le grand village planétaire. Mais aussi, la question de l’engagement des hommes dans la construction des projets durables.
Danyelle Morin & Edouard Kingue
Fragiles Passerelles, éditions TIG-Cameroun, 2020, 150 p.