Le Parlement Camerounais est entré en session depuis le 12 mars pour la première de 2019, et 17 jours après l’Assemblée nationale a adopté les premières lois de l’année. Parmi elles, la loi 1047/Pjl/An fixant le nombre, la proportion par catégorie et le régime des indemnités des conseillers régionaux. D’après des sources médiatiques concordantes, cette loi a été adoptée en l’absence des députés du Social Democratic Front, qui au passage avait perdu le président de leur groupe parlementaire Joseph Banadzem Lukong la veille. Parmi les députés de la majorité présidentielle restant, quelques-uns ont émis des réserves sur le nombre des conseillers régionaux fixés à 90 pour chaque région, en faisant remarquer notamment que le gouvernement avait sur ce point privilégié l’égalité au détriment de l’équité.
Et le ministre de la décentralisation et du développement local Georges Elanga Obama de les balayer tous d’un revers de la main, tout en fermant les yeux sur le critère démographique clairement stipulé par la loi, qui devrait guider la répartition des sièges par départements et par régions. Il expliquait qu’en matière de compétence, tous les conseils régionaux se valent, qu’ils soient composés de 100 ou de 200 conseillers. Ces quelques échanges ont juste permis de meubler le temps et donner l’illusion d’un débat autour de la loi, finalement adoptée en l’état. Le texte a ensuite été transmis au Sénat pour seconde lecture, mais il est évident que rien ne va plus changer, du moment où l’Assemblée nationale n’est pas obligée de tenir compte des amendements éventuelles qui pourraient être faites à la Chambre haute, la navette parlementaire n’étant qu’une formalité.
Comme il avait été prédit dans l’une de nos chroniques précédentes, la loi est passée comme une lettre à la poste, malgré des voix qui se sont élevées pour relever les insuffisances du projet. Il en est ainsi de toutes les lois votées à ce jour dans ce pays, elles quittent la présidence de la République, entrent et ressortent telles quelles de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Villégiature
Immédiatement après l’adoption de cette loi, les députés sont repartis, à l’exception de quelques-uns qui siègent en commission. Hier lundi 01 avril, le président de l’Assemblé nationale était en visite à l’université de N’Gaoundéré, où il présidait dans l’après-midi à l’Amphi 750 la cérémonie de lancement de la 6eme édition de la caravane de promotion de l’entrepreneur et de valorisation des métiers agropastoraux auprès de la jeunesse de l’Adamaoua. Ainsi donc, depuis la rentrée des sessions parlementaires le 12 mars 2019, on peut retenir que les seuls actes posés ont été la reconduction des différents présidents à leurs postes, Cavayé Yeguié à l’Assemblée nationale et Marcel Niat Njifenji au Sénat.
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Pour le reste de temps, les illustres élus sont logés et nourris aux frais du contribuable à l’Hôtel des Députés le jour où ils sont à Yaoundé, ils se promènent là où ils peuvent et passent de temps en temps au siège de l’Assemblée nationale valider (par des soi-disant vote) les décisions prises par le gouvernement, qui feront désormais office de loi. D’ici le 10 avril ils vont encore tous se retrouver là, se féliciter entre eux, lire quelques discours et repartir après avoir validé le reste des décisions du gouvernement encore en attente. Voilà à quoi se résument les sessions parlementaires au Cameroun.
![Les membres du Parlement camerounais, députés et sénateurs confondus, sont appelés à se prononcer au cours de leurs différentes sessions en cours en ce moment, sur le projet de loi 1047/Pjl/An introduit par le gouvernement, fixant le nombre, la proportion par catégorie et le régime des indemnités des conseillers régionaux. L’article 4 de ce projet de loi indique que dans chaque région, la proportion des conseillers régionaux est fixée ainsi qu’il suit : 70 conseillers représentant la catégorie des délégués départementaux, 20 conseillers représentant](http://lavoixdukoat.com/wp-content/uploads/2018/03/senat.jpg)
Chambre d’enregistrement
Dans un fonctionnement réel de la démocratie, la population qui devait avoir délégué ces députés pour porter leurs problèmes au niveau de la nation et légiférer dessus pouvaient se plaindre d’être abandonnées, au vu des multiples problèmes qui minent la société. Mais dans le contexte camerounais, le comportement des députés est tout à fait normal puisqu’ils n’ont pas de compte à rendre à la population. Ils sont pour la plus part à l’Hémicycle pour eux-mêmes. Les populations qui croient qu’elles y sont représentées ne sont en fait que du bétail électoral exploité pour la cause quand il faut.
Sinon comment comprendre que les députés de la Nation soient en train de se tourner les pouces en ce moment au Cameroun, avec tous les problèmes qui minent la société ? Les députés ne peuvent-ils pour une fois dans l’histoire avoir de la compassion pour le peuple qu’ils prétendent représenter, et être un peu regardant sur ce qu’ils laissent passer comme loi ? A quoi sert l’Assemblée nationale si tous les projets de loi du gouvernement doivent y passer comme s’ils n’existaient pas ? Dans ce mode de fonctionnement, ne serait-ce pas judicieux de dissoudre purement et simplement cette institution ?
Cela permettrait au moins de faire des économies : en temps parce que les projets de lois sortis de la présidence seront directement transformés en loi, en argent parce les milliards engloutis pour le fonctionnement, le salaire des députés, les crédits parlementaires qui ne profitent jamais aux populations et autres, pourront être utilisés pour arranger une route quelque part dans le pays.
Enquêtes parlementaires oubliées
Le règlement intérieur de l’Assemblée nationale leur donne pourtant la possibilité de créer des commissions d’enquêtes parlementaires. L’article 86 alinéa 5 dit que ces commissions sont formées pour:« a) recueillir des éléments d’information sur des faits déterminés et soumettre leurs conclusions à l’assemblée nationale ; b) examiner la gestion administrative, financière ou technique des services publics, en vue d’informer l’assemblée nationale du résultat de leur examen ; c) informer l’assemblée nationale sur l’état de certaines questions d’intérêt national et, lui permettre de faire des propositions adéquate.»
En ce moment ce ne sont pas des questions d’intérêt national pouvant intéresser une commission d’enquête parlementaire qui manquent : la crise anglophone, les arrestations arbitraires, l’électricité et l’eau, la situation de la compagnie aérienne nationale, l’insécurité grandissante dans les écoles, les projets de la Can qui ne finissent pas…et on peut en citer.
Mais rien de tout cela ne préoccupe nos honorables…messieurs les députés.
Roland TSAPI