Conférences, ateliers, pamphlets…face à la loi Bidoung Mkpatt, la communauté artistique et culturelle aboie mais ne mord pas.
Loi 2020/011 du 20/07/2020 régissant les associations artistique et culturelle au Cameroun. Ce texte, fruit du génie créateur de l’actuel ministre des Arts et de la Culture (Minac), a suscité moult réactions dénonciatrices avant son adoption à l’assemblée nationale. A travers les passages dans les médias, les pamphlets sur la toile, plusieurs acteurs de la sphère culturelle et artistique sont montés au créneau pour décrier le côté liberticide de la loi Bidoung Mkpatt. Que du bruit !
Le texte a été adopté dans toute son intégralité par les parlementaires. Aucun iota n’avait été ajusté, malgré les propositions apportées par le Collectif des professionnels du secteur culturel au Cameroun. Comme de doux agneaux, les opérateurs culturels et artistiques ont continué à tousser. Au micro de Lavoixdukoat, ils affirmaient : «Cette loi n’est pas adaptée au secteur culturel», disait Tony Meffe. Cette loi est une «catastrophe. Aujourd’hui, le monde de la culture va mourir», renchérissait l’opérateur culturel Philippe Essack. Au sujet des fédérations créées dans le secteur par la loi, Sam Mbende s’interrogeait : «A quoi servent ces fédérations sans infrastructures. Le ministre dit que les artistes vont tourner dans les dix régions avec les fédérations. Le ministère a quel matériel ?»
«Saltimbanque»
Quelques jours après, le président de la République promulgue la loi in-extenso, telle que présentée par le Minac. Comme quoi, les acteurs culturels et artistiques peuvent mettre leurs critiques et lamentations où ils veulent. Personne n’en a cure. Ils peuvent bien jacasser d’en bas. Déjà même qu’au Cameroun, l’artiste est vu comme un ignare. Patrick Thomas, opérateur culturel français déclarait pour le regretter à Lavoixdukoat : «Au Cameroun, l’artiste est considéré comme un saltimbanque». Pourquoi donc l’écouter ?
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Le Collectif des professionnels du secteur culturel au Cameroun a initié une deuxième conférence publique ce mercredi 2 septembre 2020. Pour un problème aussi crucial qui touche tout le secteur de l’art et de la culture, il n’y avait qu’une vingtaine d’artistes parsemés dans la grande salle du cinéma Eden de Douala. Comme quoi les concernés se sont trouvés d’autres chats à fouetter. Encore faudrait-il savoir si tous sont au parfum de la loi que leurs collègues jugent «liberticide».
«Cette loi est vraiment inadaptée par rapport à ce qui se vit dans le milieu culturel. Nos propositions visent à atténuer les effets que nous jugeons dangereux de la loi. Les associations culturelles sont cantonnées dans le déploiement de leurs activités, à des communes et arrondissements. Pour qu’elles opèrent au niveau national, elles doivent se constituer en compagnies ; les compagnies se regroupent en unions, les unions se regroupent en guilde. Seules les fédérations peuvent opérer au plan national et international. C’est clairement une limitation des libertés de mouvement, reconnu aux associations, de part la loi de 1990 sur la liberté d’associations», argumente Elie Walter Ngambi, membre du collectif. Il faut dire que l’artiste ou l’opérateur culturel est désormais passible de poursuite pénale avec cette loi, comme le précise Nemro Quamey. «A défaut de refaire la loi, les réaménagements dans les textes d’application permettraient aux acteurs du secteur, de mieux se développer et de mieux participer au développement économique de notre Vert-Rouge-Jaune», dixit Aladji Toure, coordonnateur national du Rassemblement des artistes musiciens du Cameroun (Ramca).
Division
A quoi riment ces dénonciations réduites en parlotte ? Les artistes Camerounais auraient-ils perdu toute ingéniosité ? Dans un secteur comme celui des benskineurs, ça aurait été loisible d’appeler à l’union sacrée pour une cause unique. Malheureusement, les artistes camerounais sont unis par la division. Croire qu’avec leur manque de solidarité légendaire, les choses pourront un jour s’améliorer relève d’une utopie. Certains observateurs invitent les artistes et les acteurs du landerneau culturel et artistique Camerounais à faire bloc pour manifester contre cette loi. Une sorte de journées sans aucune activité culturelle ni artistique. Laissez-nous rire. Ce n’est pas demain la veille qu’on verra les plasticiens, musiciens, chanteurs, danseurs, Dj, peintres…faire front commun. De deux choses l’une : soit ils n’ont pas de couilles, soit ils souffrent de puberté tardive.
«Le rapport final sera envoyé à Yaoundé au ministre. Il nous a dit fermement que nos recommandations seront prises en compte pour l’élaboration des textes d’application», se réjouie le président du Collectif, Patrice Josué Essoh. Qu’est-ce qui prouve que cette fois vous serez entendu ? A notre interrogation, le président répond : «Il faut y croire. Le ministre a rassuré que nous serons consulter. Cette loi est contre toute la culture.» C’est donc une question de croyance ou de foi. Joignez donc les deux mains et scrutez le ciel.
Valgadine TONGA