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Affaire Apouh-Socapalm : à qui revient la charge du compromis ?

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Derrière les revendications foncières portées par le chef du village d’Apouh, une confusion persistante demeure quant au véritable interlocuteur habilité à agir. Le chef du village veut être l’unique interlocuteur de Socapalm. De son côté, la société craint une tentative d’extorsion et estime que seul l’État est compétent.

À Apouh à Ngog, les débats sur la terre n’ont jamais cessé. Même si l’arrivée de renforts militaires pour sécuriser le site a apaisé certains esprits, les tensions persistent entre la communauté et la Société Camerounaise des Palmeraies (Socapalm) concernant un foncier dont la mémoire et les blessures ressurgissent sans cesse. Cependant, derrière ces revendications et accusations, il convient de rappeler un principe fondamental souvent noyé dans le tumulte : « La Socapalm n’est ni propriétaire ni décisionnaire des terres qu’elle exploite. Le véritable dépositaire du pouvoir foncier reste, en droit, l’État du Cameroun », renseigne un éminent juriste de l’Université de Douala

Dans une récente déclaration relayée par votre journal, le chef du village d’Apouh, Sa Majesté Ditope Mercure Lindoume, exprimait son souhait d’aboutir à un compromis foncier « directement » avec la Socapalm. Une intention louable dans l’esprit, mais juridiquement insoutenable dans la forme. Une telle démarche omet une vérité institutionnelle majeure, « La Socapalm n’a ni la latitude, ni l’autorité pour céder une parcelle du domaine national à une quelconque communauté, fût-elle historiquement implantée », souligne notre source en droit que nous avons consulté. Un cadre de la Socapalm, lors d’un media tour à Édéa, a d’ailleurs confirmé cette évidence : « Sur le terrain du foncier, nous n’agissons jamais en terrain conquis. Nous ne prenons aucune décision sans consulter les autorités compétentes. » Ce rappel, bien que simple, constitue le fondement légal d’un différend que certains cherchent à politiser.

Selon notre expert en droit foncier, « Le foncier au Cameroun est un domaine réservé, régulé par des baux emphytéotiques négociés exclusivement avec l’État, seul détenteur du domaine national. » Ainsi, toute revendication pour une rétrocession foncière doit impérativement passer par les institutions étatiques. « C’est à l’État seul d’évaluer la légitimité des demandes communautaires, d’ouvrir un dialogue officiel avec la Socapalm et, le cas échéant, de négocier les modalités d’un réajustement territorial », poursuit le sémillant juriste. En d’autres termes, si une rétrocession devait être envisagée, elle impliquerait une indemnisation rigoureuse de l’entreprise exploitante. Toute tentative de contourner ce processus reviendrait à placer les responsabilités au mauvais endroit.

Crise symptomatique du silence de l’État

Lire aussi : Crise à la plantation d’Apouh : la Socapalm interpelle l’Etat  

Dans cette affaire, la Socapalm a montré sa volonté de transparence en sollicitant les autorités compétentes, notamment le ministère des Domaines et des Affaires foncières, afin d’établir un état des lieux clair. Cependant, cette initiative se heurte souvent à une inertie administrative, un silence institutionnel qui ne fait qu’aggraver les tensions et nourrir les malentendus. Ainsi, la proposition de Sa Majesté Lindoume de dialoguer directement avec l’entreprise, bien qu’ancrée dans une logique pragmatique, se heurte à un verrou juridique que nul ne peut ignorer. « Un compromis, aussi sincère soit-il, ne peut être négocié avec un acteur privé lorsqu’il s’agit de biens publics », nous renseigne l’universitaire. Qui précise par ailleurs un vieux principe du droit selon lequel, « on ne peut conclure un accord avec celui qui n’a pas la clé du grenier. »

Lire aussi :   Crise foncière à la Socapalm d’Apouh : le Préfet de la Sanaga-Maritime rétablit les faits

Les accusations de pressions, de corruptions et d’extorsions échangées entre la chefferie, les autorités locales et certains relais médiatiques ne doivent pas faire diversion. Ces allégations, aussi graves soient-elles, ne déplacent en rien la compétence foncière. La solution ne se trouve pas dans l’émotion ou dans la mise en accusation des opérateurs économiques, mais dans l’activation des mécanismes légaux que seul l’État peut diligenter. Le fond du problème est limpide. D’un côté, une communauté revendique un espace vital, en se fondant sur l’histoire, la coutume et une démographie galopante. De l’autre, une entreprise détient un bail régulier signé avec l’État et respecte les clauses du contrat. Entre les deux, un État absent, ou du moins silencieux, qui tarde à jouer son rôle d’arbitre. Tant que ce chaînon manquant ne se mettra pas en place, les communautés continueront de s’adresser au mauvais interlocuteur, et les entreprises, à tort, serviront de boucs émissaires.

Lire aussi :Socapalm Edéa : le vent de la contestation souffle de nouveau sur Apouh    

La crise d’Apouh n’est pas un cas isolé. Elle met en lumière les failles d’un système foncier où la légitimité coutumière et la légalité républicaine se heurtent sans médiation. Elle rappelle aussi à quel point les conflits ruraux, mal encadrés, peuvent se transformer en véritables bombes sociales. Ce n’est certainement pas à la Socapalm de porter la charge du compromis, mais bien à l’État, qui doit réinvestir avec rigueur ses responsabilités souveraines. Et derrière la clameur des revendications, une chose demeure constante : la loi. Dans ce clair-obscur où la mémoire des terres coloniales croise les lenteurs de l’administration moderne, seule la réactivation des institutions légitimes permettra de dépasser le tumulte pour entrer dans la justice. À l’État, donc, de reprendre la main.

Cheikh Malcolm Radykhal Epanda

 

 

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