Dans douze jours, des concitoyens iront accomplir leur devoir citoyen dans différents bureaux de vote. Chacun votera en fonction de sa sensibilité, en fonction de ses aspirations, en fonction de son courant idéologique ou encore en fonction de ses convictions politiques. Mais, au-delà de tout, il est important, pour tout compatriote, de maîtriser la typologie du vote de manière à savoir quel est le type de vote auquel ils’intéresse lors du processus électoral.
Organiser un scrutin suppose de choisir une ou plusieurs modalités de vote adaptées au contexte et aux objectifs poursuivis, mais aussi compatibles avec les obligations légales, réglementaires ou statutaires.
Dès lors qu’il est autorisé, le vote en ligne, c’est-à-dire par voie électronique, convient à toutes les situations. Il peut être mis en œuvre aussi bien sur place (au sein des bureaux de vote équipés de terminaux connectés à Internet) qu’à distance (dans ce cas, le votant n’a pas à se déplacer, il vote en tout lieu dès lors qu’il dispose d’une connexion Internet).
Les avantages du vote en ligne sont multiples : facilité et flexibilité du vote pour l’électeur; fiabilisation des opérations de vote; simplification de l’organisation du vote; rapidité et facilité du dépouillement; harmonisation et synchronisation des opérations de vote; augmentation fréquente de la participation; respect de l’environnement; image positive auprès des votants. A ces avantages d’ordre qualitatif, s’ajoute potentiellement la réduction des coûts interne et externe.
Le vote traditionnel, par scrutin secret sous enveloppe (sur place ou par correspondance) ou à main levée, présente l’avantage de ne réclamer aucun dispositif (machine à voter, ordinateur, smartphone, boîtier électronique, borne…) au moment du vote. A l’exception du vote à main levée – qui n’est envisageable qu’en réunion et lorsque le secret du vote n’est pas requis – il convient à toutes les situations de vote, notamment lorsque le vote électronique n’est pas (encore) autorisé. Sa mise en œuvre est, cependant, complexe et coûteuse lorsque les inscrits sont nombreux et/ou lorsque les scrutins sont multiples (multi-instances, multi-établissements).
Le vote à distance est envisageable lorsque les votants n’ont pas à être réunis. Il peut s’effectuer sous une modalité unique – soit le vote électronique, soit le vote par correspondance – ou combiner ces deux modalités. Lorsque le vote électronique et le vote par correspondance sont combinés, il est possible : soit de proposer à chaque inscrit les deux modalités (codes d’accès au site de vote et matériel de vote par correspondance sont alors transmis concomitamment) ; soit de privilégier une modalité de vote (généralement le vote par Internet) et de ne proposer le vote par correspondance – en plus ou à la place du vote électronique – qu’à certains électeurs (électeurs supposés empêchés de voter par Internet, électeurs faisant la demande du vote par correspondance…).
Le vote sur place s’impose lorsque les votants doivent être identifiés de manière probante – c’est le cas des élections politiques qui n’acceptent, aujourd’hui, le vote à distance que dans des conditions très limitatives (vote depuis l’étranger), privilégiant le vote par procuration lorsque l’électeur ne peut se rendre dans son bureau de vote. Il est également adapté lorsque tous les votants sont déjà réunis sur un même lieu (par exemple les salariés d’un même établissement, les participants à une assemblée). Il peut être mis en œuvre par voie électronique (bureaux de vote équipés de terminaux de vote) ou de manière traditionnelle (vote papier à l’urne). Le vote à bulletin secret qualifie toutes les formes de vote (électronique ou papier) visant à préserver le secret du vote. Quels que soient les moyens mis en œuvre, le secret du vote repose sur : la confidentialité de l’acte de vote (préservée par l’isoloir ou le vote à distance) ;
l’indifférenciation des bulletins de vote, qu’ils soient matériels ou électroniques ;
l’impossibilité de retrouver le vote d’un électeur (fonction de l’urne, physique ou électronique).
Le vote à scrutin secret s’impose pour tous les scrutins sensibles, notamment les élections.
Au-delà de cette catégorisation classique du vote ayant droit de cité dans des pays enclins à la modernisation du fonctionnement de l’organe en charge de la gestion du processus électoral, il y a une autre typologie qui réfère à la décision, pour chaque concitoyen, de cibler son vote suivant l’option pour tel ou tel autre référentiel. En effet, quel que soit le degré de mobilisation populaire que Maurice Kamto, Joshua Osih, Akere Muna, Cabral Libii Li Ngué, Serge Espoir Matomba, Garga Haman Adji, Ndifor Franklin Afanwi, Adamou Ndam Njoya et Paul Biya vont structurer dans les dix régions camerounaises, il est idoine de savoir qu’il existe:
1. Le vote affectif : C’est un type de vote qui répond aux logiques et aux considérations subjectives des électeurs. Dans les pays occidentaux, les chercheurs en Sociologie politique et en Sciences politiques ont démontré que certaines femmes, par exemple, optent, parfois, pour le vote affectif parce que appréciant les déterminants affectifs des candidats liés, entre autres, à la séduction du prétendant à la magistrature suprême, à son appareillage vestimentaire, à sa tenue, à sa beauté physique, à son élégance, à son éloquence, à sa prestance individuelle, à son intelligence. Il s’agit là des référentiels qui sont appréciés en fonction de la subjectivité ou de l’intentionnalité des acteurs, mieux des électeurs suivant la dimension herméneutique de l’appréciation de tel oun de tel autre candidat. Certains peuvent donc se décider à voter pour Cabral Libii parce qu’il use, régulièrement, des capacités de séduction, d’éloquence, de prestance de par l’intelligence du jeune leader politique. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. D’autres personnes peuvent, a contrario, jeter le dévolu sur Serge Espoir Matomba, en souscrivant aux mêmes déterminants surtout que nous sommes dans le registre de ce que le Sociologue Claude Javeau appelle « les affects ».
2. Le vote ethnique : C’est un vote régulièrement observé dans les aires culturelles, où les populations locales vouent un culte à tel candidat parce qu’il est ressortissant de la communauté ethno-régionale à laquelle elles appartiennent. Il s’agit, ici, du vote tribal. C’est pourquoi des chercheurs en Sciences sociales ont brodé sur la localisation des formations politiques dans ce que Joseph-Marie Zambo Belinga nomme « les fiefs dits naturels ». En exprimant donc le sentiment éminemment tribal, suivant les constructions sociales en vigueur, les Bassa iront voter pour Cabral Libii; les Anglophones chercheront à voter pour Joshua Osih ou pour Ndifor Franklin Afanwi. Mais ici, Ndifor étant membre d’une communauté de la religiosité pentecôtiste, la quasi-totalité des fidèles de sa congrégation iront l’élire en raison de la focalisation sur l’appartenance religieuse. A la différence, les Nordistes, en référence à l’imaginaire collectif, s’entreprendront à voter pour Garga Haman Adji, les Bamileké cibleront Kamto et les Bamoun jetteront le dévolu sur Ndam Njoya. De toute évidence, il ne s’agit là que des considérations purement stéréotypées tant cela procède de l’imaginaire collectif et des constructions sociales qui prévalent dans les structures de pensée locales imbibées d’un caractère ethno-régional. Aujourd’hui, il est urgent de savoir que ces logiques stéréotypées sont dé-construites tant il y a une certaine reconfiguration du champ politique, laquelle n’évolue plus à l’aune des représentations liées à la polarisation des « fiefs dits naturels ».
3. Le vote rationnel : C’est un vote régi par la raison, voire par la rationalité au sens weberien du terme. Dans ce cas de figure, les électeurs choisissent le candidat à la présidentielle suivant des logiques objectives. C’est, en réalité, un vote par conviction parce que chaque militant ou sympathisant élit le candidat désigné par sa formation politique. L’on est convaincu d’élire ce postulant à la présidentielle par conviction politique ou par soutien conféré à l’idéologie politique défendue par l’homme-candidat. Des électeurs comme Pascal Charlemagne Messanga Nyamding, Hervé Emmanuel Nkom, Jacques Fame Fame Ndongo, Jean Nkuete, Gregoire Owona, Paul Atanga Nji, etc qui sont, tous, des fidèles invétérés et patentés du Rassemblement démocratique du peuple camerounais(Rdpc), iront, naturellement, voter pour Paul Biya, candidat-président jusqu’ici invisible. Pourquoi? Posez lui cette question!
Serge Aimé BIKOI