« Seigneur Jésus je te prie de porter un regard favorable sur ma famille, mes amis, mes collègues, mon travail, mes projets et ma santé. Bénis grandement et puissamment celui ou celle qui recevra ce message et que sa vie ne soit plus jamais la même! Envoie ce message à ceux qui veulent la bénédiction de Dieu! Si j’en fais partie, merci de me le renvoyer! » Avez-vous déjà reçu ce type de message? La réponse, à coup sûr, est affirmative. Il s’agit là d’un exemple de message que bien de personnes reçoivent chaque jour sans nécessairement percevoir un impact social sur le cours vital dans les prochaines heures. Au-delà de la pertinence de ces messages à caractère spirituel, il y a, en toile de fond, une dose de profanation du nom de Dieu.
Jamais le nom de l’Éternel ne s’est vendu ces dernières années dans les messages des acteurs sociaux mus par la défense des préceptes et des dogmes spiritualistes. Avec l’emprise des réseaux sociaux sur les habitudes et mœurs vitales, des internautes se servent, à foison, du nom de Dieu. Histoire d’insuffler à la conscience collective des messages parfois surréalistes: « S’il te plait ne pose pas de question! C’est un test. Est-ce que Dieu vient en premier dans ta vie? Si oui, arrête tout ce que tu es en train de faire et envoie ce message à ton répertoire, ensuite regarde ce que Dieu fera pour toi dans les prochaines heures! » Spontanément, quiconque ayant foi en la puissance céleste croit sincèrement à la crédibilité et à la fiabilité d’un pareil message. Mais en envoyant cette missive à tout le répertoire, qui payera la note en termes de dépense? Est-on sûr de la matérialisation d’un tel message dans les faits?
Du Dieu sacré au dieu désacralisé
Le nom du Tout puissant est si ancré dans la communication électronique qu’il devient un fait banal. Chemin faisant, et sans s’en rendre compte, l’on passe du stade du Dieu sacré à celui du dieu désacralisé tant ce nom se consomme régulièrement par mimétisme sur toutes les messageries instantanées. Toute chose qui entraine des formulations occasionnelles ingénieuses du genre: « Que Dieu te bénisse pour le temps que tu lui accordes! Lis cette prière avec une foi sincère sans plus! Dieu se chargera du reste. Crois seulement sans te poser des questions et tu seras bénis! ». Tout fidèle face à un célébrant qui professe de telles paroles évocatrices répond, sans coup férir, Amen. Mais au regard des émetteurs, dont l’identité et le statut social ne sont pas toujours connus de tous ou, du moins, de l’espace public, un questionnement chagrine l’état d’esprit du récepteur si bien qu’il se demande sur le champ: qui êtes-vous pour exiger, tous azimuts, la bénédiction de l’Éternel en pareille circonstance? La curiosité, dans la diffusion à outrance de ces messages religieux, c’est le timing que certains destinateurs prévoient très souvent dans le dessein de la concrétisation de cette nouvelle forme de matraquage spirituel. Ainsi entend-on: « Prends 60 secondes et envoie rapidement cette prière à tes contacts, et en quelques heures, tu auras une multitude de gens à prier Dieu les uns pour les autres! Puis, assieds-toi et regarde couler les bénédictions de Dieu sur toi! »
La main posée sur le cœur, les crédules y accordent une onction fort intéressée, en attendant le feed-back du père éternel, alors que les incrédules font prévaloir la posture de Thomas, qui ne veut pas croire en la toute puissance divine sans avoir vu et expérimenté la réalité des faits scandés dans ces messages. Vu l’approche imminente des fêtes de fin d’année, d’aucuns n’hésitent guère à formuler des vœux pour 2017, en martelant: « Donnez ce cœur à tous ceux que vous ne voulez pas perdre en 2017 y compris moi! Essayez de recueillir 12, ce n’est pas facile! Soyez honnêtes et envoyez à n’importe qui, qui vous a fait sourire! » Comment peut-on diffuser un tel message alors que nul ne connait ni le jour ni l’heure où il passera de vie à trépas?
Instrumentalisation du nom de Dieu
Bien que ces paroles véhiculent, en substance, une dynamique de spiritualité à l’humanité en quête de repères moraux, l’on note, somme toute, une instrumentalisation du nom de Dieu à des fins d’escroquerie assortie du mensonge, de la passion et de la déraison. Eu égard à ce jeu des activistes des réseaux sociaux, dont l’enjeu est d’exalter, en vain, la forteresse divine, l’effet de saturation né de la réception desdits messages entraine, au demeurant, une certaine lassitude qui incline, incognito, à ne plus y vouer un culte. A ce tintamarre quotidien dont les partisans invétérés raffolent, se greffe un vent d’illusions et de chimères générées par la non-réalisation de ces messages a priori mirobolants. Pauvres crédules qui y croient donc dur comme fer!
Serge-Aimé Bikoi, Sociologue du Développement