Alors que les Etats-Unis disent condamner les attaques des séparatistes contre les civils, les hommes politiques mettent en doute la sincérité de leur indignation.
Mbah Treasure et Tumassang Confort sont rentrées dans l’histoire, malgré elles. Les vidéos dans lesquelles elles subissent des violences sexuelles avant d’être décapitées par les sécessionnistes ont marqué les esprits. Quelques jours après ces barbaries inhumaines qui se sont déroulées les 4 et 11 août 2020 dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest du Cameroun, les terroristes ne cessent d’exceller dans les décapitations et crimes de tout genre. Le 14 août dernier, l’ambassade des Etats-Unis a émis un communiqué de presse dans lequel elle «condamne fermement les attaques horribles et insensées perpétrées contre des civils dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest par des combattants séparatistes armés.»
Les Etats-Unis poursuivent: «Depuis quelques semaines, nous notons une montée inquiétante des attaques violentes, y compris des décapitations, des tortures et des bombardements dans les zones civiles. Ces attaques montrent un mépris total du caractère sacré de la vie et de la dignité humaine. Nous avons régulièrement condamné la violence de toutes parts et demandé que tous ces actes cessent, et nous réitérons cet appel aujourd’hui. Nous présentons nos condoléances à toutes les personnes endeuillées par ces actes et demandons que des enquêtes impartiales soient menées, et que les auteurs de ces actes soient traduits en justice conformément à la législation camerounaise.»
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Cette sortie est pour le moins ahurissante, selon certains observateurs de la scène politique. «Nous avons été les seuls pendant très longtemps à accuser les Usa d’être le foyer où s’alimentait le mouvement sécessionniste au Cameroun. Il ne faut pas être naïf, leur dénonciation est seulement formelle. Les Etats-Unis doivent prendre les mesures pour que les terroristes qu’ils hébergent, et qui sont les donneurs d’ordre de ce mouvement, soient mis hors d’état de nuire. Temps que les USA ne le font pas, c’est du folklore», martèle le président du Nouveau Mouvement Populaire, Banda Kani. L’homme politique explique : «Imaginez-vous un seul instant que le Cameroun hébergeait des citoyens américains frustrés de la gouvernance aux USA, et qu’ils se livraient à des activités pareilles à ce que font les ambazoniens basés aux Usa. Vous convenez avec moi que les Américains auraient immédiatement déclaré la guerre au Cameroun. Les Etats-Unis sont responsables de tout ce qui se passe aujourd’hui. Ce n’est pas avec leur déclaration qu’ils vont endormir les gens.»
Président du parti de l’Esprit Avril 48, Jean Marc Ngoss, pense également qu’il s’agit d’un discours tout simplement politique. «En politique, il y a le politiquement correct. Il y a une logique politique qui consiste à ne pas écorner la morale de manière officielle. Ça veut dire que je peux te soutenir, mais dès que tu tues des enfants, commets des crimes, on se détache officiellement de toi par souci de l’opinion publique. On sait qu’ils hébergent les sécessionnistes, leur offrent des plateformes de discussions… Il ne faut pas aussi oublier que depuis 4 ans, ils veulent détruire le régime, sans succès. Avec les sécessionnistes, ils n’ont récolté jusqu’ici que des tueries au Nord-Ouest et au Sud-Ouest. Et en politique, on aime le parti qui gagne. Comme les terroristes ne réussissent pas à renverser le pouvoir, les Etats-Unis font un petit geste à l’endroit du régime. De Gaule nous a dit en 84 qu’il n’y a pas d’ami en politique, mais des intérêts.»
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Secrétaire général du Cameroon people party, Franck Essi observe de prime abord que «les Etats-Unis se sont donnés le droit de juger les pays dans le monde». Il pousse l’interrogation plus loin : «Quelles sont les démarches précises entreprises par mon gouvernement pour rapatrier ces Camerounais au Cameroun ? Combien de mandats d’arrêt ont été lancés au niveau d’Interpol pour neutraliser les responsables de ces tueries ? Nous devons d’abord interpeller nos autorités sur leur responsabilité, avant d’interroger la sincérité des Américains quant à leur soutien à l’Etat. Je n’attends pas grand-chose des Américains», conclut-il.
Valgadine TONGA