Ses deux nouveaux singles «Kenamè» et «Exile Radio» en prélude à son prochain album nous présentent un autre visage longtemps enfoui par l’artiste. C’est aussi un hommage à toutes les icônes africaines exilées qui ont résisté, malgré l’hostilité, aux influences culturelles extérieures.
À ses débuts, on l’assimilait à un Américain. Car l’artiste porté vers la soul et le gospel aux accents yankees n’avait rien d’un négroïde. Cela est perceptible lors de son passage en 2013 comme compétiteur à l’émission The Voice France Saison2, ou à travers son premier album solo « Get on board». Un album chanté en anglais avec quelques notes en français. Sur le plan musical, aucun ingrédient africain. La remarque lui est d’ailleurs faite par les journalistes en 2017 lors de la conférence de presse d’avant son tout premier spectacle donné à Douala au Cameroun, son pays natal.
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Une image, du moins incommodante pour certains, renvoyée au visage du finaliste de The Voice France comme un renie. Emmanuel Pi Djob, peu bavard, n’a pas voulu s’étendre sur ses choix. L’artiste, fier de ses origines plus qu’on n’en pense, ne voit pas les choses avec les mêmes œillères. Il décide d’apporter des réponses plutôt musicales à ses compatriotes. «Kenamè» et « Exile Radio», deux singles aux colorations africaines en porte à faux aux idées préconçues et préétablies à son égard. Le premier «Kenamè» (Amènes–moi) chanté en bassa (sa langue maternelle), d’un ténor héroïque avec une part réservée aux instruments traditionnels africains (balafons, Nkoul, mukeng). Et «Exile Radio», titre éponyme de l’album en préparation, est un featuring avec le monument Manu Dibango. «Exile Radio» est un mélange de soul et de musiques populaires africaines dans lequel l’artiste démontre comme tout bon Africain qu’il a du rythme dans la peau. Cette mixture ne laisse insensible aucun mélomane de la terre. Elle est, par ailleurs, une preuve de la maîtrise de son substrat culturel malgré son long exil du côté de l’hexagone. Pi Djob entend partager cette joie avec les siens.
La pochette du CD en dit long. Un large sourire affiché derrière un visage noir d’africain aux dreadlocks. Sur cette même pochette se mêlent les couleurs à deux tons. Une renvoyant au présent qui s’assimile aux courants musicaux épousés dans exil hexagonal et celle d’un passé auquel il est resté curieusement attaché. On lit aussi une voie tracée par les aînés, partis depuis de longues dates de leur terre natale, mais dont les œuvres restent gravées dans les oreilles de l’artiste. C’est le cas de Manu Dibango, invité de cet album, qui lui a servi de repères. La richesse de cet album c’est aussi la dextérité affirmée du groupe « Afro Soul gang» qui chemine avec Pi Djob.
Ces deux singles d’Emmanuel Pi Djob viennent se ranger sur cette même logique. Ils démontrent le lien fort entre ce Prince Ndogsoul (dans le Nyong Ekelle) et ses origines. Un attachement qui, au-delà de son savoir faire, est incorporé dans son Adn musical. Voici donc l’avant goût d’un album dans lequel tout Africain se reconnaîtra. À écouter absolument.
Félix EPEE